Onchocercose ("cécité des rivières") - Santé et Maladie

Onchocercose ("cécité des rivières")

Onchocercose ("cécité des rivières")

Rivière en zone tropicale

L'onchocercose, communément appelée "cécité des rivières", est une maladie parasitaire tropicale négligée qui peut entraîner des troubles cutanés sévères et une perte de vision permanente. Elle constitue un problème majeur de santé publique dans plusieurs régions d'Afrique, d'Amérique latine et du Yémen.

Définition et épidémiologie

L'onchocercose est une filariose causée par le parasite Onchocerca volvulus, transmis à l'homme par les piqûres de simulies (mouches noires) du genre Simulium qui se reproduisent dans les rivières à courant rapide. Selon l'OMS, environ 21 millions de personnes sont infectées dans le monde, dont 1,15 million présentent une déficience visuelle.

Zones endémiques : Principalement en Afrique subsaharienne (99% des cas), mais aussi au Yémen et dans certaines régions du Brésil et du Venezuela.

Cycle de transmission

Mouche noire (simulie)

Le cycle de transmission comprend plusieurs étapes :

  • La simulie infectée pique un humain et dépose des larves (microfilaires) dans la peau
  • Les microfilaires se développent en vers adultes (macrofilaire) qui forment des nodules sous-cutanés
  • Les femelles adultes produisent des milliers de microfilaires qui migrent dans la peau et les yeux
  • Lorsqu'une simulie non infectée pique une personne infectée, elle ingère les microfilaires
  • Les microfilaires se développent dans la simulie qui peut alors transmettre le parasite à d'autres humains

Symptômes et manifestations cliniques

Manifestations cutanées

  • Prurit intense : Démangeaisons sévères, souvent le premier symptôme
  • Lésions cutanées : Nodules sous-cutanés (onchocercomes), éruptions papuleuses
  • Modifications cutanées : Peau épaissie, ridée ou dépigmentée ("peau de léopard")
  • Lichenification : Dans les cas chroniques, la peau devient épaisse et rugueuse

Manifestations oculaires

Examen oculaire
  • Kératite ponctuée : Inflammation de la cornée avec opacités
  • Sclérose cornéenne : Opacification progressive de la cornée menant à la cécité
  • Uvéite : Inflammation de la couche moyenne de l'œil
  • Atrophie optique : Dans les stades avancés
  • Glaucome secondaire : Dans certains cas
Attention : La cécité peut survenir après des années d'infection non traitée. Les microfilaires dans l'œil provoquent une inflammation chronique qui endommage progressivement les structures oculaires.

Diagnostic

Le diagnostic de l'onchocercose repose sur plusieurs méthodes :

Examen clinique

  • Recherche de nodules sous-cutanés (palpation)
  • Observation des lésions cutanées caractéristiques
  • Examen oculaire à la lampe à fente

Examens parasitologiques

  • Biopsie cutanée ("skin snip") : Prélèvement de petits fragments de peau examinés au microscope pour détecter les microfilaires
  • PCR : Détection de l'ADN parasitaire
  • Test Mazzotti : Administration de diéthylcarbamazine provoquant une réaction en cas d'infection (peu utilisé aujourd'hui)

Examens sérologiques

  • Détection d'anticorps spécifiques (ELISA, tests rapides)
  • Utiles dans les cas légers ou anciens où les microfilaires sont peu nombreuses

Traitement

Médicaments

Traitement médicamenteux

  • Ivermectine (Mectizan®) : Médicament de choix qui tue les microfilaires. Dose unique annuelle pendant 10-15 ans (durée de vie des vers adultes)
  • Doxycycline : Antibiotique qui tue les bactéries symbiotiques (Wolbachia) nécessaires à la survie du parasite. Utilisé en complément pendant 4-6 semaines
  • Suramin : Rarement utilisé (toxicité) mais efficace contre les vers adultes

Traitement chirurgical

  • Excision des nodules (onchocercomes) contenant les vers adultes
  • Particulièrement indiqué pour les nodules céphaliques (risque oculaire)
Stratégie de l'OMS : Le Programme de Lutte contre l'Onchocercose (OCP puis APOC) a permis de traiter des millions de personnes grâce à l'administration communautaire d'ivermectine, réduisant considérablement la transmission dans de nombreuses zones.

Prévention et contrôle

  • Lutte contre les vecteurs : Pulvérisation d'insecticides sur les sites de reproduction des simulies
  • Traitement de masse : Administration annuelle d'ivermectine à au moins 80% de la population dans les zones endémiques
  • Protection individuelle : Vêtements couvrants, répulsifs contre les insectes
  • Éducation sanitaire : Sensibilisation des populations à risque
  • Aménagement de l'environnement : Éviter les zones riveraines aux heures d'activité des simulies (matin et soir)

Pronostic et complications

Avec un traitement précoce et régulier par ivermectine, le pronostic est bon et la progression vers la cécité peut être évitée. Cependant, les lésions oculaires et cutanées établies sont souvent irréversibles. Les complications possibles incluent :

  • Cécité permanente
  • Dermatose chronique sévère avec handicap social
  • Réaction de Mazzotti (réaction allergique au traitement)
  • Encéphalopathie chez les patients fortement infectés (rare)

Conseils et recommandations

Campagne de santé communautaire
  • Pour les voyageurs en zone endémique : utiliser des répulsifs et porter des vêtements couvrants
  • Participer aux programmes de traitement communautaire si vous vivez en zone endémique
  • Consulter immédiatement en cas de symptômes oculaires ou cutanés après exposition
  • Les personnes traitées doivent éviter la doxycycline si elles sont enceintes ou allaitantes
  • L'ivermectine est contre-indiquée chez les enfants de moins de 5 ans ou pesant moins de 15 kg

Références et sources :

  • Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Onchocercose (2022)
  • Centers for Disease Control and Prevention (CDC) - Parasites - Onchocerciasis
  • MSF Manuals - Onchocercosis
  • Journal of Global Infectious Diseases - Onchocerciasis: Current Knowledge and Future Goals (2021)
  • Programme Africain de Lutte contre l'Onchocercose (APOC)