L'uropathie obstructive : Comprendre, diagnostiquer et traiter
Définition
L'uropathie obstructive désigne l'ensemble des pathologies caractérisées par un obstacle sur les voies urinaires, entraînant une gêne à l'écoulement normal de l'urine. Cette obstruction peut survenir à n'importe quel niveau de l'appareil urinaire, des reins à l'urètre, et peut être partielle ou complète, aiguë ou chronique.
L'uropathie obstructive représente environ 5% des cas d'insuffisance rénale chronique et est une cause majeure d'insuffisance rénale aiguë chez les personnes âgées.
Épidémiologie
L'incidence de l'uropathie obstructive varie selon l'âge et le sexe :
- Chez l'homme de plus de 60 ans, l'hypertrophie bénigne de la prostate est la cause la plus fréquente
- Chez la femme, les causes principales sont les tumeurs pelviennes et les complications post-chirurgicales
- Chez l'enfant, les malformations congénitales (valves de l'urètre postérieur) sont prédominantes
Physiopathologie
L'obstruction urinaire entraîne une augmentation de la pression en amont de l'obstacle, avec des conséquences variables :
- Dilatation des cavités excrétrices (hydronéphrose)
- Atteinte du parenchyme rénal par compression
- Altération de la fonction rénale (diminution du débit de filtration glomérulaire)
- Risque accru d'infection urinaire par stase
Causes et localisations
Obstruction haute (au niveau des reins ou uretères)
- Calculs urinaires (lithiase)
- Sténose de la jonction pyélo-urétérale
- Compression extrinsèque (tumeurs, fibrose rétropéritonéale)
- Caillots sanguins
Obstruction basse (vessie et urètre)
- Hypertrophie bénigne de la prostate
- Cancer de la prostate
- Sténose urétrale
- Dysfonction vésicale neurogène
- Calculs vésicaux
Symptômes
Les manifestations cliniques dépendent de la localisation, de la rapidité d'installation et du degré de l'obstruction :
Forme aiguë
- Douleur lombaire unilatérale ou bilatérale (colique néphrétique si calcul)
- Rétention aiguë d'urines avec globe vésical si obstruction basse
- Anurie (absence totale d'urines) en cas d'obstruction complète bilatérale
- Signes d'infection urinaire (fièvre, brûlures mictionnelles) si complication
Forme chronique
- Pollakiurie (mictions fréquentes)
- Dysurie (difficulté à uriner)
- Jet urinaire faible ou intermittent
- Sensation de vidange incomplète
- Insuffisance rénale progressive souvent asymptomatique
Attention : Une fièvre associée à une obstruction urinaire constitue une urgence urologique absolue (risque de pyonéphrose et de choc septique).
Diagnostic
Examen clinique
- Palpation d'un globe vésical (obstruction basse)
- Douleur à la palpation de la fosse lombaire
- Examen prostatique par toucher rectal chez l'homme
- Examen gynécologique chez la femme
Examens biologiques
- Analyse d'urines : recherche d'hématurie, leucocyturie, cristaux
- Bilan rénal : créatinine, urée, ionogramme sanguin
- Numération formule sanguine (recherche d'infection)
- PSA chez l'homme de plus de 50 ans (dépistage cancer prostatique)
Examens d'imagerie
- Échographie rénale et vésicale : examen de première intention, permet de visualiser la dilatation des voies urinaires et de mesurer le résidu post-mictionnel
- Uroscanner : gold standard pour les calculs et les obstructions hautes
- Uro-IRM : alternative sans irradiation, surtout chez la femme enceinte
- Cystoscopie : examen endoscopique pour les obstructions basses
- Urographie intraveineuse : moins utilisée aujourd'hui
Traitements
La prise en charge dépend de la cause, de la localisation et de l'urgence de la situation :
Traitements en urgence
- Dérivation urinaire : sonde urétérale (sonde JJ), néphrostomie percutanée ou sondage vésical selon la localisation
- Antibiothérapie en cas d'infection associée
- Analgésie pour les coliques néphrétiques
Traitements définitifs
- Lithotritie extracorporelle ou urétéroscopie pour les calculs
- Chirurgie de la jonction pyélo-urétérale pour les sténoses congénitales
- Résection transurétrale de prostate pour l'HBP
- Traitement oncologique (chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie) pour les cancers obstructifs
- Dilatation ou urétroplastie pour les sténoses urétrales
Complications et pronostic
En l'absence de traitement, l'uropathie obstructive peut entraîner :
- Insuffisance rénale aiguë ou chronique
- Infections urinaires récidivantes
- Pyonéphrose (infection du rein obstructé)
- Atteinte irréversible du parenchyme rénal
Le pronostic dépend principalement de la rapidité de la prise en charge et de la cause sous-jacente. La fonction rénale peut souvent se récupérer complètement si l'obstruction est levée précocement.
Conseils et prévention
- Boire suffisamment d'eau (1,5 à 2L par jour) pour prévenir les calculs urinaires
- Consulter rapidement en cas de troubles urinaires persistants
- Pour les hommes de plus de 50 ans : dépistage régulier de l'HBP
- Éviter la consommation excessive d'aliments favorisant les calculs (sel, protéines animales, oxalates)
- Ne pas retarder la miction lorsque le besoin se fait sentir
Les patients porteurs de sonde JJ ou de néphrostomie doivent être informés des signes d'alerte (fièvre, douleurs, absence d'urines dans la poche) nécessitant une consultation en urgence.
Suivi et surveillance
Après traitement d'une uropathie obstructive, un suivi régulier est nécessaire :
- Contrôle de la fonction rénale
- Échographie de contrôle pour vérifier la disparition de la dilatation
- Surveillance des symptômes urinaires
- Pour les calculs : analyse du calcul et bilan métabolique pour prévenir les récidives
Références et sources
1. Collège des Enseignants de Néphrologie. Uropathies obstructives. 2021.
2. European Association of Urology Guidelines on Urolithiasis. 2022.
3. American Urological Association. Management of Benign Prostatic Hyperplasia. 2021.
4. National Kidney Foundation. Obstructive Uropathy. 2020.
5. HAS. Prise en charge de la colique néphrétique. 2019.
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