L'acné médicamenteuse : Causes, Diagnostic et Traitements
L'acné médicamenteuse est une forme particulière d'acné provoquée par la prise de certains médicaments. Distincte de l'acné vulgaire par son mécanisme d'apparition, elle nécessite une prise en charge spécifique. Cet article explore en détail cette dermatose iatrogène, de sa physiopathologie à sa prise en charge thérapeutique.
Définition et mécanismes
L'acné médicamenteuse se définit comme une éruption acnéiforme déclenchée par l'administration de substances médicamenteuses. Contrairement à l'acné vulgaire qui résulte d'une prédisposition génétique et hormonale, cette variante est directement imputable à un agent pharmacologique.
Physiopathologie
Les mécanismes impliqués varient selon la molécule en cause :
- Stimulation androgénique : Certains médicaments augmentent la production de sébum en mimant l'action des androgènes
- Hyperkératinisation : Obstruction du follicule pilo-sébacé par accumulation de kératinocytes
- Action sur le microbiome : Modification de la flore cutanée favorisant Propionibacterium acnes
- Réaction immuno-allergique : Certains médicaments provoquent une réaction inflammatoire spécifique
Médicaments responsables
Principaux médicaments inducteurs
- Corticostéroïdes : Prednisone, cortisone (acné cortisonique)
- Hormones : Testostérone, progestatifs androgéniques, stéroïdes anabolisants
- Anti-épileptiques : Phénytoïne, phénobarbital
- Psychotropes : Lithium, certains antidépresseurs
- Immunosuppresseurs : Ciclosporine, sirolimus
- Vitamines : Vitamine B12 à fortes doses
- Anticancéreux : Inhibiteurs de l'EGF (épidermal growth factor)
- Antituberculeux : Isoniazide, rifampicine
Mécanismes par classe
Chaque classe médicamenteuse agit par des voies différentes :
- Les androgènes stimulent directement les glandes sébacées
- Les corticostéroïdes provoquent une atrophie de l'épiderme et une folliculite
- Les anti-EGFR inhibent la différenciation kératinocytaire
- La vitamine B12 modifie l'expression génique de P. acnes
Diagnostic différentiel
L'acné médicamenteuse doit être distinguée de :
- Acné vulgaire (plus progressive, localisation typique en T)
- Rosacée (absence de comédons, télangiectasies)
- Folliculite infectieuse (aspect pustuleux, contexte différent)
- Dermatite péri-orale (érythème autour de la bouche)
- Éruption médicamenteuse allergique (prurit, aspect urticarien)
Signes cliniques
Caractéristiques morphologiques
L'éruption présente des particularités selon la classe médicamenteuse :
- Acné cortisonique : Papulo-pustules monomorphes sur thorax et dos
- Anti-EGFR : Folliculite du visage avec érythème important
- Lithium : Lésions inflammatoires prédominantes
- Hormones : Acné nodulo-kystique sévère
Localisation
Contrairement à l'acné vulgaire, la distribution peut être atypique :
- Visage (joues, front, menton)
- Thorax (région sternale surtout)
- Dos (partie supérieure)
- Parfois membres (cas des anti-EGFR)
Examens complémentaires
Le diagnostic est principalement clinique, mais certains bilans peuvent être utiles :
Bilan hormonal
- Testostérone libre et totale
- SDHEA (sulfate de déhydroépiandrostérone)
- Androstènedione
- LH/FSH
- Prolactine
Examens microbiologiques
- Prélèvement bactériologique en cas de surinfection
- Examen mycologique si suspicion de folliculite à Malassezia
Histologie cutanée
Rarement nécessaire, peut montrer :
- Infiltration lymphocytaire périfolliculaire
- Hyperkératose de l'ostium folliculaire
- Rupture folliculaire dans les formes sévères
Approche thérapeutique
1. Arrêt du médicament causal
Lorsque possible, la première mesure consiste à interrompre le traitement en cause. L'amélioration survient généralement en 4-8 semaines.
2. Traitements topiques
- Rétinoïdes : Trétinoïne, adapalène (normalisent la kératinisation)
- Peroxyde de benzoyle : Action antibactérienne et kératolytique
- Antibiotiques locaux : Érythromycine, clindamycine (réduisent P. acnes)
- Acide azélaïque : Effet anti-inflammatoire et dépigmentant
3. Traitements systémiques
- Antibiotiques : Doxycycline, limecycline (4-6 semaines minimum)
- Anti-androgènes : Chez la femme (acétate de cyprotérone, spironolactone)
- Isotrétinoïne : Dans les formes sévères récalcitrantes
- Antihistaminiques : Si composante allergique suspectée
4. Mesures adjuvantes
- Nettoyage doux avec syndet (savon sans savon)
- Éviction des cosmétiques comédogènes
- Photoprotection systématique (certains traitements sont photosensibilisants)
- Éviction des manipulations des lésions (risque cicatriciel)
Prévention et conseils
Avant prescription
- Interroger sur les antécédents d'acné
- Préférer les molécules peu acnéigènes quand c'est possible
- Informer sur le risque d'acné médicamenteuse
Pendant le traitement
- Surveillance dermatologique régulière
- Début précoce des soins locaux en cas d'éruption
- Éviction des facteurs aggravants (tabac, cosmétiques gras)
Conseils aux patients
- Ne pas interrompre brutalement son traitement sans avis médical
- Utiliser des produits non comédogènes (mention "non comedogenic")
- Éviter le soleil en cas de traitement photosensibilisant
- Consulter rapidement en cas d'aggravation
Pronostic et complications
L'évolution est généralement favorable après arrêt du médicament causal, mais peut prendre plusieurs mois. Les complications possibles incluent :
- Hyperpigmentation post-inflammatoire (surtout chez les phototypes foncés)
- Cicatrices atrophiques ou hypertrophiques
- Impact psychologique (anxiété, dépression)
- Persistance d'une acné résiduelle nécessitant un traitement prolongé
Références scientifiques
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