La septicémie et choc infectieux
La septicémie et le choc infectieux représentent des urgences médicales absolues, avec une mortalité pouvant atteindre 50% dans les formes les plus graves. Ces conditions résultent d'une réponse inappropriée de l'organisme à une infection, menant à une défaillance multiviscérale. Cet article explore en détail ces pathologies critiques, leurs mécanismes, leur diagnostic et leur prise en charge.
Définitions et concepts clés
Qu'est-ce que la septicémie ?
La septicémie (ou sepsis) est définie par la Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) comme une réponse inflammatoire systémique à une infection, associée à une dysfonction d'organe. Elle résulte de la dissémination dans le sang de micro-organismes pathogènes ou de leurs toxines.
Le choc infectieux
Le choc infectieux (ou choc septique) est la forme la plus grave de septicémie. Il se caractérise par des perturbations circulatoires, cellulaires et métaboliques profondes, avec hypotension persistante malgré un remplissage vasculaire adéquat, nécessitant l'utilisation de vasopresseurs.
Physiopathologie
La septicémie résulte d'une interaction complexe entre :
- L'agent infectieux (bactéries dans 70% des cas, mais aussi virus, champignons ou parasites)
- La réponse immunitaire de l'hôte
- Les dommages tissulaires induits
Mécanismes principaux :
- Réponse inflammatoire systémique : libération massive de cytokines pro-inflammatoires
- Coagulation intravasculaire disséminée : activation de la cascade de coagulation
- Dysfonction endothéliale : augmentation de la perméabilité vasculaire
- Altération de la microcirculation : hypoperfusion tissulaire
- Défaillance mitochondriale : incapacité à utiliser l'oxygène
Diagnostic
Critères diagnostiques (Sepsis-3)
Le diagnostic repose sur :
- La suspicion ou confirmation d'une infection
- Un score SOFA (Sequential Organ Failure Assessment) ≥ 2 points
Symptômes cliniques
- Fièvre > 38,3°C ou hypothermie < 36°C
- Tachycardie (> 90/min)
- Tachypnée (> 20/min)
- Altération de l'état mental
- Hypotension artérielle
- Oligurie (diurèse < 0,5 ml/kg/h)
- Marbrures cutanées
- Extrémités froides
Bilans et examens complémentaires
Bilan biologique initial
- Hémogramme (leucocytose ou leucopénie)
- CRP, procalcitonine (marqueurs d'infection)
- Ionogramme sanguin, urée, créatinine
- Bilan hépatique (transaminases, bilirubine)
- Lactatémie (marqueur d'hypoperfusion)
- TP, TCA, fibrinogène (recherche de CIVD)
- Gaz du sang artériel (acidose lactique)
Examens microbiologiques
- Hémocultures (au moins 2 prélèvements sur sites différents)
- ECBU, LCR, prélèvements de foyers suspectés
- PCR spécifiques si suspicion d'agents particuliers
Imagerie
- Radiographie thoracique (recherche de foyer pulmonaire)
- Échographie (abdominale, cardiaque, pleuropulmonaire)
- Scanner selon la suspicion clinique
Traitement
Principes généraux
La prise en charge doit être immédiate et suivre le concept du "golden hour" :
- Réanimation hémodynamique précoce
- Antibiothérapie probabiliste rapide
- Contrôle du foyer infectieux
- Traitement de soutien des défaillances d'organes
Traitement spécifique
1. Antibiothérapie
- Débutée dans l'heure suivant le diagnostic
- Probabiliste puis adaptée aux résultats microbiologiques
- Spectre large initial (bêta-lactamines + aminosides souvent)
- Voie intraveineuse obligatoire
2. Contrôle du foyer infectieux
- Drainage des abcès
- Nécrosectomie des tissus infectés
- Retrait de matériel infecté (cathéters, prothèses...)
3. Réanimation hémodynamique
- Remplissage vasculaire (cristalloïdes)
- Vasopresseurs (noradrénaline en première intention)
- Dobutamine en cas de dysfonction cardiaque associée
- Objectifs : PAM ≥ 65 mmHg, lactates < 2 mmol/l
4. Traitements adjuvants
- Corticothérapie à faible dose en choc réfractaire
- Insuline pour équilibre glycémique
- Transfusion si Hb < 7 g/dl
- EPO, nutrition entérale précoce
Pronostic et complications
Facteurs de mauvais pronostic
- Âge avancé
- Comorbidités (immunodépression, cirrhose...)
- Retard à l'initiation du traitement
- Lactatémie élevée (> 4 mmol/l)
- Défaillance multiviscérale
Complications possibles
- Syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA)
- Insuffisance rénale aiguë
- Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
- Neuropathie de réanimation
- Syndrome post-sepsis (fatigue, troubles cognitifs...)
Prévention et recommandations
Mesures préventives
- Vaccination (pneumocoque, grippe, Haemophilus...)
- Asepsie rigoureuse pour les actes invasifs
- Antibiothérapie péri-opératoire si nécessaire
- Dépistage et traitement des foyers infectieux
Recommandations pour le public
- Consulter rapidement en cas de fièvre persistante avec altération de l'état général
- Suivre scrupuleusement les traitements antibiotiques prescrits
- Nettoyer et désinfecter toute plaie cutanée
- Être vigilant après une intervention chirurgicale ou un séjour hospitalier
Conclusion
La septicémie et le choc infectieux constituent des urgences vitales dont le pronostic dépend largement de la rapidité de la prise en charge. Une antibiothérapie précoce et adaptée, associée à une réanimation hémodynamique agressive, permettent d'améliorer la survie. La prévention par la vaccination et le contrôle des foyers infectieux reste essentielle, notamment chez les patients à risque.
Références et sources :
- Singer M, et al. The Third International Consensus Definitions for Sepsis and Septic Shock (Sepsis-3). JAMA 2016
- Société de Réanimation de Langue Française (SRLF). Recommandations sur la prise en charge de la septicémie. 2019
- Dellinger RP, et al. Surviving Sepsis Campaign: International Guidelines for Management of Sepsis and Septic Shock. Intensive Care Med 2021
- Institut Pasteur. Dossier sur les infections bactériennes invasives. 2022
- Haute Autorité de Santé. Prise en charge initiale des états septiques graves. 2018