La gonorrhée (chaude-pisse) : Tout ce qu'il faut savoir
La gonorrhée, communément appelée "chaude-pisse", est une infection sexuellement transmissible (IST) causée par la bactérie Neisseria gonorrhoeae. Cette maladie connue depuis l'Antiquité reste un problème de santé publique majeur en raison de sa prévalence et de l'émergence de souches résistantes aux antibiotiques. Cet article fait le tour complet de cette infection : définition, symptômes, diagnostic, traitement et prévention.
Définition et épidémiologie
La gonorrhée est une infection bactérienne qui se transmet principalement par contact sexuel (vaginal, anal ou oral) avec une personne infectée. Elle peut toucher les organes génitaux, le rectum et la gorge. Selon l'OMS, environ 87 millions de nouveaux cas sont recensés chaque année dans le monde.
Terminologie : Le terme "chaude-pisse" vient de la sensation de brûlure lors de la miction, symptôme classique chez les hommes. Le nom scientifique "gonorrhée" vient du grec "gonos" (semence) et "rhoia" (écoulement).
Population à risque
- Jeunes adultes sexuellement actifs (15-24 ans)
- Personnes ayant des partenaires multiples
- Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes
- Personnes ne utilisant pas systématiquement des préservatifs
- Personnes ayant des antécédents d'IST
Symptômes de la gonorrhée
Les symptômes apparaissent généralement 2 à 7 jours après l'exposition, mais certaines personnes (surtout les femmes) peuvent rester asymptomatiques.
Chez l'homme
- Sensation de brûlure en urinant (d'où le nom "chaude-pisse")
- Écoulement pénien blanc, jaune ou vert
- Douleur ou gonflement testiculaire
- Démangeaisons urétrales
Chez la femme
- Écoulement vaginal augmenté (souvent jaunâtre)
- Douleur en urinant
- Saignements entre les règles
- Douleurs pelviennes
- Parfois asymptomatique (jusqu'à 50% des cas)
Autres localisations
- Rectale : démangeaisons, écoulement, saignements, douleur à la défécation
- Pharyngée : maux de gorge, souvent asymptomatique
- Oculaire : conjonctivite purulente (chez le nouveau-né notamment)
Attention : Environ 10% des hommes et 50% des femmes infectées ne présentent aucun symptôme mais peuvent quand même transmettre l'infection. L'absence de symptômes ne signifie pas absence d'infection.
Diagnostic et bilans
Le diagnostic de la gonorrhée repose sur des tests biologiques car les symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent ressembler à d'autres IST.
Méthodes de diagnostic
- Examen microscopique : Observation au microscope d'un prélèvement après coloration de Gram (montre des diplocoques Gram négatif intracellulaires)
- Culture : Mise en culture sur milieux spécifiques (Thayer-Martin) avec antibiogramme pour détecter les résistances
- Tests moléculaires (PCR) : Détection de l'ADN bactérien dans les urines ou prélèvements (méthode la plus sensible)
- Tests immunochromatographiques rapides : Moins utilisés car moins fiables
Types de prélèvements
- Écouvillonnage urétral chez l'homme
- Écouvillonnage endocervical chez la femme
- Premier jet d'urine (pour les tests PCR)
- Écouvillonnage rectal si rapport anal
- Écouvillonnage pharyngé si rapport oral
Bilans complémentaires : En cas de diagnostic positif, d'autres tests sont recommandés : dépistage du VIH, syphilis, chlamydia (fréquentes co-infections), et bilan hépatique si traitement par ceftriaxone.
Traitement de la gonorrhée
Le traitement doit être instauré rapidement après le diagnostic pour éviter les complications et limiter la transmission. En raison de l'émergence de résistances aux antibiotiques, les protocoles évoluent régulièrement.
Traitement standard (sans complication)
- Ceftriaxone : 500 mg en intramusculaire en dose unique (1g pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes)
- Azithromycine : 2 g per os en dose unique (en association pour couvrir une éventuelle co-infection à Chlamydia)
Résistances : Des souches résistantes aux céphalosporines ont émergé en Asie et en Europe. L'antibiogramme est crucial pour adapter le traitement en cas d'échec thérapeutique.
Cas particuliers
- Femmes enceintes : Ceftriaxone IM + azithromycine (éviter les tétracyclines)
- Allergie aux bêta-lactamines : Spectinomycine 2g IM ou azithromycine 2g (selon antibiogramme)
- Infections disséminées : Hospitalisation avec ceftriaxone IV pendant 7 jours
- Conjonctivite du nouveau-né : Ceftriaxone IM 25-50 mg/kg en dose unique
Suivi post-traitement
- Contrôle de guérison par test PCR 3-4 semaines après traitement
- Traitement systématique du ou des partenaires sexuels des 60 derniers jours
- Abstinence sexuelle jusqu'à guérison confirmée (7 jours après traitement)
Complications possibles
Non traitée, la gonorrhée peut entraîner des complications sérieuses, notamment :
Chez la femme
- Maladie inflammatoire pelvienne (15-20% des cas non traités)
- Stérilité tubaire (par obstruction des trompes)
- Grossesse extra-utérine
- Douleurs pelviennes chroniques
- Transmission au nouveau-né (conjonctivite néonatale pouvant mener à la cécité)
Chez l'homme
- Épididymite aiguë (inflammation de l'épididyme)
- Sténose urétrale
- Prostatite
- Infertilité (rare)
Complications systémiques
- Arthrite septique (1-3% des cas non traités)
- Dermatite
- Endocardite (rare)
- Méningite (rare)
Prévention et recommandations
La prévention de la gonorrhée repose sur des mesures individuelles et collectives :
Mesures individuelles
- Utilisation systématique de préservatifs (même pour le sexe oral)
- Réduction du nombre de partenaires sexuels
- Dépistage régulier en cas de partenaires multiples
- Traitement simultané des partenaires
- Vaccination contre l'hépatite B et le HPV (bien que ne protégeant pas contre la gonorrhée)
Recommandations de santé publique
- Campagnes d'information sur les IST
- Dépistage ciblé des populations à risque
- Surveillance des résistances aux antibiotiques
- Recherche vaccinale (aucun vaccin disponible actuellement)
En cas d'exposition à risque : Consultez rapidement un médecin ou un centre de dépistage. Un traitement préventif n'existe pas, mais un dépistage précoce permet un traitement rapide et évite les complications.
Questions fréquentes
Peut-on attraper la gonorrhée sans rapport sexuel ?
Exceptionnellement, la transmission peut se faire par contact avec des sécrétions infectées (serviettes, sex-toys partagés), mais la voie sexuelle reste largement majoritaire. La transmission mère-enfant pendant l'accouchement est possible.
La gonorrhée peut-elle guérir seule ?
Non. Même si les symptômes diminuent, l'infection persiste et peut entraîner des complications graves. Un traitement antibiotique est toujours nécessaire.
Peut-on avoir la gonorrhée plusieurs fois ?
Oui. L'infection ne confère pas d'immunité protectrice. Les réinfections sont fréquentes en cas de nouvelles expositions.
La gonorrhée augmente-t-elle le risque de VIH ?
Oui. Les lésions inflammatoires facilitent la transmission du VIH. Une personne atteinte de gonorrhée a 3 à 5 fois plus de risque de contracter le VIH en cas d'exposition.
Sources et références :
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Guidelines for the treatment of Neisseria gonorrhoeae (2021)
- Centers for Disease Control and Prevention (CDC) - Sexually Transmitted Diseases Treatment Guidelines (2021)
- Haute Autorité de Santé (HAS) - Recommandations pour le diagnostic et le traitement des IST (2020)
- European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) - Gonococcal antimicrobial susceptibility surveillance in Europe (2022)
- Manuel MSD - Version professionnels de santé (2023)
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