La bilharziose (Schistosomiase) - Santé et Maladie

La bilharziose (Schistosomiase)

La bilharziose (Schistosomiase)

Eau contaminée - source de transmission de la bilharziose

La bilharziose, également appelée schistosomiase, est une maladie parasitaire tropicale négligée qui affecte des millions de personnes dans le monde. Cette infection chronique peut entraîner des complications graves si elle n'est pas traitée. Dans cet article, nous explorerons en détail tous les aspects de cette maladie.

Définition et épidémiologie

Qu'est-ce que la bilharziose ?

La bilharziose est une maladie parasitaire causée par des vers plats (trématodes) du genre Schistosoma. Ces parasites pénètrent dans l'organisme humain à travers la peau lors d'un contact avec de l'eau douce contaminée.

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la schistosomiase touche principalement les communautés pauvres et rurales, en particulier les populations agricoles et les pêcheurs qui sont en contact fréquent avec des eaux infectées.

Espèces pathogènes

Il existe plusieurs espèces de schistosomes pathogènes pour l'homme :

  • Schistosoma mansoni - cause des atteintes intestinales
  • Schistosoma haematobium - responsable de la bilharziose urinaire
  • Schistosoma japonicum et S. mekongi - présents en Asie
  • Schistosoma intercalatum - présent en Afrique centrale

Répartition géographique

La maladie est endémique dans 78 pays tropicaux et subtropicaux, principalement en Afrique subsaharienne, mais aussi au Brésil, en Chine, aux Philippines et dans certains pays du Moyen-Orient.

Carte mondiale des maladies tropicales

Cycle de vie du parasite

Le cycle de vie complexe du schistosome implique deux hôtes :

  • Hôte définitif : l'être humain (ou certains animaux pour certaines espèces)
  • Hôte intermédiaire : des escargots d'eau douce spécifiques à chaque espèce de schistosome

Étapes du cycle

1. Les œufs éliminés dans les selles ou l'urine des personnes infectées éclosent dans l'eau douce, libérant des miracidiums.

2. Ces larves infectent les escargots spécifiques où elles se multiplient.

3. Après développement, les escargots libèrent des cercaires dans l'eau.

4. Les cercaires pénètrent activement à travers la peau humaine lors du contact avec l'eau contaminée.

5. Dans l'organisme humain, les parasites migrent vers les vaisseaux sanguins où ils deviennent adultes.

6. Les vers adultes s'accouplent et produisent des œufs qui sont éliminés dans les selles ou l'urine, perpétuant le cycle.

Le cycle complet dure environ 6-8 semaines entre la pénétration des cercaires et la production d'œufs par les vers adultes.

Symptômes et manifestations cliniques

Phase d'invasion

2-3 jours après la pénétration des cercaires :

  • Démangeaisons cutanées (dermatite cercarienne)
  • Éruption papuleuse au site de pénétration
  • Parfois fièvre légère et malaise

Phase aiguë (syndrome de Katayama)

4-8 semaines après l'infection :

  • Fièvre élevée
  • Frissons
  • Céphalées
  • Myalgies
  • Toux
  • Douleurs abdominales
  • Hépatosplénomégalie
  • Éosinophilie marquée

Phase chronique

Les manifestations dépendent de l'espèce en cause :

Bilharziose intestinale (S. mansoni, S. japonicum) :

  • Douleurs abdominales
  • Diarrhée (parfois sanglante)
  • Hépatosplénomégalie
  • Hypertension portale avec risque d'hémorragie digestive
  • Fibrose hépatique

Bilharziose urinaire (S. haematobium) :

  • Hématurie (sang dans les urines)
  • Dysurie (difficulté à uriner)
  • Pollakiurie (envies fréquentes d'uriner)
  • Fibrose vésicale et urétérale
  • Risque accru de cancer de la vessie
  • Atteinte génitale possible
Examen médical en laboratoire

Diagnostic

Diagnostic clinique

Basé sur les symptômes et l'histoire d'exposition à des eaux douces dans une zone endémique.

Diagnostic parasitologique

Examen des selles ou des urines : recherche d'œufs caractéristiques

  • Technique de Kato-Katz pour les selles
  • Filtration sur membrane pour les urines
  • Examen à frais

Diagnostic sérologique

Détection d'anticorps spécifiques (utile pour les infections récentes ou légères où les œufs sont rares) :

  • ELISA
  • Immunofluorescence
  • Hémagglutination

Examens complémentaires

  • Numération formule sanguine (éosinophilie fréquente)
  • Échographie abdominale (recherche de fibrose hépatique ou d'atteinte urinaire)
  • Cystoscopie (pour S. haematobium)
  • Biopsie rectale ou vésicale (parfois nécessaire)

Dans les zones endémiques, le diagnostic est souvent posé sur la base de l'hématurie macroscopique pour S. haematobium et confirmé par la recherche d'œufs dans les urines.

Traitement

Traitement médicamenteux

Le praziquantel est le médicament de choix, efficace contre toutes les espèces :

  • Dose unique de 40 mg/kg pour S. mansoni et S. haematobium
  • 60 mg/kg en 2 prises à 4h d'intervalle pour S. japonicum et S. mekongi
  • Effets secondaires généralement légers (douleurs abdominales, nausées, vertiges)

Autres options (en cas de contre-indication au praziquantel) :

  • Oxamniquine (pour S. mansoni uniquement)
  • Artémisinine et dérivés (activité partielle)

Traitement des complications

  • Hypertension portale : traitement spécifique, parfois chirurgie
  • Sténoses urétérales : dilatation ou pose de sonde JJ
  • Cancer de la vessie : traitement oncologique adapté

Traitement préventif

Dans les zones d'endémie, l'OMS recommande un traitement périodique à large échelle des populations à risque :

  • Enfants d'âge scolaire
  • Populations adultes exposées
  • Femmes en âge de procréer (hors grossesse)
Médicaments et soins de santé

Prévention et contrôle

Mesures individuelles

  • Éviter tout contact avec les eaux douces stagnantes dans les zones endémiques
  • Faire bouillir ou filtrer l'eau avant consommation
  • Porter des bottes en caoutchouc pour les activités nécessitant un contact avec l'eau
  • Sécher soigneusement la peau après un contact accidentel avec l'eau

Mesures collectives

  • Amélioration de l'assainissement (latrines adéquates)
  • Approvisionnement en eau potable
  • Contrôle des hôtes intermédiaires (élimination des escargots)
  • Éducation sanitaire des populations
  • Traitement massif préventif dans les zones endémiques

Les voyageurs se rendant dans des zones endémiques doivent être informés des risques et des mesures de prévention. Un dépistage peut être recommandé au retour en cas d'exposition suspectée.

Pronostic et complications

Pronostic

Avec un diagnostic précoce et un traitement approprié, le pronostic est excellent. Le praziquantel permet une guérison complète dans la majorité des cas.

Complications possibles

  • Hépatiques : fibrose péripontale, hypertension portale, varices œsophagiennes
  • Urinaires : fibrose vésicale, hydronéphrose, insuffisance rénale, cancer de la vessie
  • Neurologiques : rarement, localisation médullaire ou cérébrale des œufs
  • Pulmonaires : hypertension artérielle pulmonaire
  • Génitales : lésions des organes génitaux, possible impact sur la fertilité

Conseils et recommandations

Pour les voyageurs

  • Se renseigner sur les risques dans les zones visitées
  • Éviter la baignade en eau douce dans les zones endémiques
  • Utiliser de l'eau chaude (≥50°C) pour la douche si l'eau provient de sources potentiellement contaminées
  • Consulter en cas de symptômes évocateurs après un séjour en zone endémique

Pour les professionnels de santé

  • Penser à la bilharziose devant tout patient fébrile au retour de zone endémique
  • Inclure la recherche d'œufs dans les bilans systématiques des migrants originaires de zones endémiques
  • Surveiller les complications à long terme chez les patients ayant vécu en zone endémique

Pour les autorités sanitaires

  • Mettre en place des programmes de traitement préventif dans les zones endémiques
  • Améliorer l'accès à l'eau potable et à l'assainissement
  • Développer des programmes d'éducation sanitaire
  • Surveiller l'émergence de résistances aux médicaments
Campagne de santé publique

Références et sources

1. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Schistosomiase (Bilharziose) - Aide-mémoire N°115 - 2023

2. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) - Parasites - Schistosomiasis

3. Mandell, Douglas, and Bennett's Principles and Practice of Infectious Diseases - 9th Edition

4. The Lancet - Neglected Tropical Diseases Series - 2022

5. Institut Pasteur - Fiches maladies - Bilharzioses

6. Société de Pathologie Exotique - Recommandations pour la pratique clinique - 2021

Images : Unsplash (libres de droits)