Épiglottites aiguës sévères de l'adulte - Santé et Maladie

Épiglottites aiguës sévères de l'adulte

Épiglottites aiguës sévères de l'adulte

Système respiratoire

Définition

L'épiglottite aiguë est une inflammation sévère de l'épiglotte et des structures adjacentes (vallécule, replis ary-épiglottiques, cartilages aryténoïdes), pouvant entraîner une obstruction brutale des voies aériennes supérieures. Bien que moins fréquente chez l'adulte que chez l'enfant depuis l'introduction du vaccin contre Haemophilus influenzae type b, elle reste une urgence médico-chirurgicale potentiellement mortelle.

Attention : L'épiglottite aiguë constitue une urgence vitale. Toute suspicion doit conduire à une prise en charge immédiate en milieu hospitalier avec possibilité de sécurisation des voies aériennes.

Épidémiologie

L'incidence de l'épiglottite chez l'adulte est estimée entre 1 à 4 cas pour 100 000 habitants par an. Elle touche préférentiellement les hommes (ratio 3:1) entre 40 et 50 ans. Les facteurs de risque incluent le diabète, l'immunodépression, et les traumatismes locaux.

Physiopathologie

L'épiglottite résulte d'une infection bactérienne entraînant un œdème inflammatoire important de l'épiglotte et des tissus avoisinants. Cet œdème peut provoquer une obstruction complète des voies aériennes en quelques heures. Les principaux agents pathogènes sont :

  • Haemophilus influenzae type b (moins fréquent depuis la vaccination)
  • Streptococcus pneumoniae
  • Streptococcus pyogenes
  • Staphylococcus aureus
  • Plus rarement : virus (HSV, VZV), champignons

Symptômes cliniques

Douleur à la gorge

Triade classique

  • Dysphagie intense (odynophagie)
  • Bavage (impossibilité de déglutir sa salive)
  • Dyspnée inspiratoire avec tirage

Autres symptômes fréquents

  • Douleur pharyngée intense
  • Voix étouffée (dite "de patate chaude")
  • Fièvre élevée (>39°C)
  • Position antalgique (tête en avant, menton protrus)
  • Stridor inspiratoire
  • Cyanose dans les formes graves

Signes de gravité : Dyspnée au repos, tachypnée >30/min, bradypnée, stridor, cyanose, agitation ou prostration, signes de choc, impossibilité de s'allonger.

Diagnostic

Examen clinique

L'examen doit être prudent pour éviter tout réflexe laryngé pouvant déclencher une obstruction complète. L'inspection du pharynx peut révéler une épiglotte œdématiée et rouge vif ("langue de crapaud"), mais cet examen est souvent impossible et dangereux en cas de dyspnée.

Examens complémentaires

  • Fibroscopie laryngée : Examen de référence, réalisée en milieu contrôlé (bloc opératoire) par un ORL. Montre l'épiglotte œdématiée, rouge, parfois ulcérée.
  • Radiographie latérale du cou : Peut montrer le signe du "pouce" (épiglotte épaissie) mais a perdu de son intérêt avec la fibroscopie.
  • Prélèvements bactériologiques : Hémocultures, prélèvement de gorge sous fibroscopie.
  • Biologie : Syndrome inflammatoire (CRP élevée, hyperleucocytose), gaz du sang en cas de détresse respiratoire.
Examen médical

Diagnostics différentiels

  • Angine sévère ou phlegmon péri-amygdalien
  • Abcès rétropharyngé
  • Laryngite aiguë
  • Trachéite bactérienne
  • Corps étranger laryngé
  • Œdème angioneurotique
  • Brûlure laryngée

Traitement

Urgence thérapeutique : La prise en charge doit être rapide et en milieu hospitalier, idéalement en réanimation ou en unité de surveillance continue.

1. Sécurisation des voies aériennes

Priorité absolue. En cas de signes de gravité, l'intubation endotrachéale doit être réalisée en urgence, idéalement sous fibroscopie par un opérateur expérimenté. En cas d'impossibilité, une trachéotomie en urgence peut être nécessaire.

2. Antibiothérapie

Doit être débutée immédiatement après les prélèvements bactériologiques :

  • Céphalosporine de 3e génération (Ceftriaxone 2g/j IV) pendant 7-10 jours
  • Alternative : Amoxicilline-acide clavulanique à forte dose
  • En cas d'allergie : Clindamycine ou Fluoroquinolone

3. Corticothérapie

L'utilisation de corticoïdes (méthylprednisolone 1-2 mg/kg/j) est controversée mais souvent pratiquée pour réduire l'œdème inflammatoire.

4. Traitement symptomatique

  • Oxygénothérapie si nécessaire
  • Antalgiques puissants (paracétamol, morphine)
  • Hydratation IV
  • Alimentation parentérale ou sonde nasogastrique si dysphagie majeure

Complications

  • Obstruction complète des voies aériennes (risque vital immédiat)
  • Médiastinite
  • Abcès péri-épiglottique
  • Choc septique
  • Séquelles laryngées (sténose)

Pronostic

La mortalité est estimée entre 1-7% chez l'adulte, principalement en cas de retard diagnostique ou thérapeutique. Avec une prise en charge adaptée et précoce, l'évolution est généralement favorable en 7 à 10 jours.

Prévention

  • Vaccination contre Haemophilus influenzae type b (Hib) recommandée chez les enfants
  • Vaccination antipneumococcique chez les sujets à risque
  • Éviction des facteurs favorisants (tabac, alcool)

Conduite à tenir devant une suspicion d'épiglottite : Ne pas allonger le patient, éviter tout stress, transporter en urgence vers un service d'urgence avec réanimation, prévenir l'équipe ORL et anesthésiste.

Cas particuliers

Épiglottite nécrosante

Forme particulièrement grave avec nécrose tissulaire, nécessitant souvent un débridement chirurgical en plus du traitement médical.

Épiglottites non infectieuses

Peuvent être causées par des brûlures thermiques ou chimiques, des traumatismes, ou des réactions allergiques.

Références et sources

1. Société Française d'ORL (SFORL). Recommandations pour la prise en charge des épiglottites aiguës. 2019.

2. UpToDate. Adult epiglottitis. 2023.

3. BMJ Best Practice. Acute epiglottitis. 2022.

4. HAS. Prise en charge des infections ORL sévères. 2018.

5. Images libres de droits provenant de Unsplash.com