Brucellose chez les animaux domestiques : Un guide complet
La brucellose est une maladie bactérienne contagieuse qui affecte principalement les animaux domestiques mais peut également se transmettre à l'homme (zoonose). Cette infection cause des pertes économiques importantes dans l'élevage et représente un risque majeur pour la santé publique. Cet article explore en détail tous les aspects de la brucellose animale.
Définition et épidémiologie
La brucellose est une maladie infectieuse causée par des bactéries du genre Brucella. Plusieurs espèces existent, chacune préférant un hôte particulier :
- Brucella abortus : bovins (brucellose bovine)
- Brucella melitensis : chèvres et moutons (brucellose caprine/ovine)
- Brucella suis : porcs
- Brucella canis : chiens
La brucellose est présente dans le monde entier mais plus fréquente dans les régions méditerranéennes, le Moyen-Orient, l'Afrique et certaines parties de l'Amérique latine. L'OMS estime qu'elle cause plus de 500 000 infections humaines chaque année.
Mode de transmission
La brucellose se transmet principalement par :
- Contact direct avec des sécrétions animales (avortements, placenta, liquides utérins)
- Ingestion de produits laitiers non pasteurisés contaminés
- Voie transplacentaire (de la mère au fœtus)
- Insémination artificielle avec du sperme contaminé
- Contact avec des surfaces ou matériels contaminés
Symptômes chez les animaux
Chez les bovins
- Avortements au dernier tiers de gestation
- Rétention placentaire
- Infertilité
- Métrites
- Orchite et épididymite chez les mâles
- Arthrites
Chez les petits ruminants (chèvres, moutons)
- Avortements en fin de gestation
- Mammites
- Faiblesse des nouveau-nés
Chez les porcs
- Avortements
- Infertilité
- Boiteries
- Abcès dans divers organes
Chez les chiens
- Avortements
- Orchite
- Discospondylite (infection des vertèbres)
- Uvéite (inflammation oculaire)
Certains animaux peuvent être porteurs asymptomatiques, ce qui complique le contrôle de la maladie. Les femelles excrètent particulièrement les bactéries lors des mises bas ou avortements.
Diagnostic
Le diagnostic de la brucellose repose sur plusieurs méthodes complémentaires :
Diagnostic clinique
Basé sur les symptômes (avortements, troubles de la reproduction) mais peu spécifique car d'autres maladies peuvent causer des tableaux similaires.
Diagnostic sérologique
- Test à l'antigène tamponné (Rose Bengale) - dépistage
- ELISA - sensible et spécifique
- Fixation du complément - confirmation
- Test à l'antigène acidifié (TAA) pour B. abortus
Diagnostic bactériologique
Culture et identification de la bactérie à partir de :
- Liquides d'avortement
- Placenta
- Lait
- Sang (hémoculture)
- Organes (rate, ganglions lymphatiques)
Techniques moléculaires
PCR pour détection de l'ADN bactérien, rapide et spécifique mais ne remplace pas la culture.
Bilans complémentaires
En cas d'infection confirmée, plusieurs examens peuvent être réalisés :
- Numération formule sanguine : souvent une leucocytose
- Biochimie sanguine : augmentation des enzymes hépatiques dans certains cas
- Analyse du lait (test du lait en tank)
- Examens d'imagerie (radiographie, échographie) pour les abcès ou atteintes osseuses
- Analyses histologiques post-mortem
Traitement
Dans de nombreux pays, le traitement des animaux infectés est interdit par la législation en raison du risque zoonotique et de la difficulté à éradiquer complètement l'infection. L'abattage des animaux positifs est souvent obligatoire.
Lorsque le traitement est envisagé (principalement pour les animaux de compagnie comme les chiens), il repose sur :
- Antibiothérapie prolongée (minimum 4-6 semaines) :
- Doxycycline associée à la streptomycine ou rifampicine
- Enrofloxacine pour les chiens
- Traitement symptomatique des manifestations cliniques
- Supports nutritionnels et hydriques
- Anti-inflammatoires pour les atteintes articulaires
Le pronostic est réservé car les rechutes sont fréquentes et l'élimination complète de la bactérie est difficile.
Prévention et contrôle
Mesures sanitaires
- Dépistage systématique des reproducteurs
- Quarantaine des nouveaux animaux introduits
- Élimination des animaux infectés (abattage sélectif)
- Désinfection rigoureuse des locaux et matériels
- Élimination appropriée des produits d'avortement
Vaccination
Plusieurs vaccins existent selon les espèces :
- Bovins : souche RB51 (B. abortus) - vaccin vivant atténué
- Petits ruminants : Rev-1 (B. melitensis)
- Aucun vaccin commercial disponible pour les porcs ou chiens
La vaccination doit être réalisée par des professionnels formés car ces vaccins sont vivants et peuvent causer des infections chez l'homme. Les animaux vaccinés peuvent donner des réactions sérologiques positives.
Mesures pour les éleveurs et vétérinaires
- Port d'équipements de protection (gants, masques, lunettes) lors des mises bas ou manipulation de produits d'avortement
- Hygiène rigoureuse des mains
- Éviter de consommer des produits laitiers non pasteurisés
- Information et formation sur les risques zoonotiques
Recommandations pour les propriétaires d'animaux
- Faire tester les animaux reproducteurs avant l'accouplement
- Isoler immédiatement tout animal présentant des symptômes évocateurs
- Contacter le vétérinaire en cas d'avortement ou de problèmes reproducteurs
- Ne pas consommer de lait cru ou fromages non affinés provenant d'animaux suspects
- Pour les chiens : éviter le contact avec des animaux sauvages ou errants
- Signaler tout avortement en série à l'autorité vétérinaire locale
Impact économique et santé publique
La brucellose cause des pertes économiques importantes en élevage :
- Diminution de la production laitière (10-25%)
- Avortements et perte de veaux/agneaux/chevreaux
- Réforme précoce des animaux
- Coûts des mesures de contrôle et éradication
- Restrictions commerciales pour les zones infectées
En santé publique, la brucellose humaine (fièvre de Malte) est une maladie professionnelle pour les vétérinaires, éleveurs et employés d'abattoirs. Les symptômes chez l'homme incluent fièvre ondulante, fatigue, douleurs articulaires et complications neurologiques ou cardiaques dans les formes graves.
Références et sources
1. Organisation Mondiale de la Santé Animale (OIE) - Manuel terrestre sur la brucellose (2021)
2. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) - Brucellosis information
3. Food and Agriculture Organization (FAO) - Guidelines for Brucellosis Control
4. Merck Veterinary Manual - Brucellosis in Animals
5. European Food Safety Authority (EFSA) - Scientific Opinion on Brucellosis
6. World Health Organization (WHO) - Brucellosis in humans and animals