Pleurésie tuberculeuse - Santé et Maladie

Pleurésie tuberculeuse

Pleurésie tuberculeuse : Comprendre, Diagnostiquer et Traiter

Poumons et système respiratoire

La pleurésie tuberculeuse est une manifestation fréquente de la tuberculose extrapulmonaire, représentant environ 5% des cas de tuberculose dans les pays développés et jusqu'à 30% dans les régions endémiques. Cette inflammation de la plèvre, causée par Mycobacterium tuberculosis, nécessite une prise en charge spécifique et rapide pour éviter les complications.

Définition et mécanisme

La pleurésie tuberculeuse est une inflammation de la plèvre (membrane entourant les poumons) provoquée par une infection à Mycobacterium tuberculosis. Elle résulte généralement d'une réaction hypersensible aux antigènes mycobactériens plutôt qu'à une infection directe de la plèvre.

À savoir : La pleurésie tuberculeuse est la forme la plus courante de tuberculose extrapulmonaire chez l'adulte jeune, avec un pic d'incidence entre 20 et 40 ans.

Physiopathologie

L'infection se produit par rupture d'un foyer sous-pleural de tuberculose pulmonaire dans l'espace pleural, libérant des antigènes mycobactériens qui déclenchent une réaction immunitaire intense. Cette réaction entraîne une accumulation de liquide pleural riche en lymphocytes.

Symptômes cliniques

La pleurésie tuberculeuse se manifeste généralement de manière subaiguë, avec des symptômes évoluant sur plusieurs semaines :

  • Douleur thoracique : Unilatérale, augmentée à l'inspiration profonde (douleur pleurétique)
  • Toux sèche : Irritative, non productive
  • Dyspnée : Gêne respiratoire proportionnelle à l'importance de l'épanchement
  • Fièvre : Souvent modérée (38-38,5°C), vespérale
  • Asthénie : Fatigue marquée
  • Anorexie et amaigrissement : Perte de poids progressive
  • Sueurs nocturnes : Caractéristiques mais inconstantes
Douleur thoracique
Attention : Chez les patients immunodéprimés (VIH, diabète, traitement immunosuppresseur), la présentation peut être atypique avec des symptômes moins marqués malgré une atteinte sévère.

Diagnostic

Examen clinique

L'examen physique révèle typiquement :

  • Matité à la percussion du côté atteint
  • Diminution ou abolition du murmure vésiculaire
  • Frottement pleural possible en début d'évolution
  • Signes généraux : fièvre, tachycardie, amaigrissement

Examens complémentaires

Le diagnostic de certitude repose sur plusieurs examens complémentaires :

1. Imagerie

  • Radiographie thoracique : Montre un épanchement pleural unilatéral (90% des cas), souvent de moyen à grand abondance
  • Échographie pleurale : Permet de guider la ponction et d'évaluer la nature du liquide
  • Scanner thoracique : Utile pour rechercher des adénopathies ou des lésions parenchymateuses associées
Examen radiologique

2. Analyse du liquide pleural

La ponction pleurale (thoracentèse) permet d'obtenir un liquide caractéristique :

  • Aspect : jaune citrin, parfois hémorragique
  • Examen biochimique : Exsudat (protéines > 30g/L, rapport protéines pleurales/sériques > 0.5)
  • pH généralement < 7.40
  • Glucose normal ou diminué
  • LDH élevée (rapport LDH pleurale/sérique > 0.6)
  • Cytologie : Prédominance lymphocytaire (> 50% des cellules)

3. Examens microbiologiques

  • Microscopie : Recherche de BAAR (Bacilles Acido-Alcoolo-Résistants) - positivité faible (10-30%)
  • Culture : Sur milieu de Löwenstein-Jensen ou MGIT - positivité dans 25-75% des cas
  • PCR : Détection de l'ADN mycobactérien - sensibilité de 50-80%
  • ADA (Adénosine désaminase) : Valeur > 40 UI/L très évocatrice (sensibilité 90%, spécificité 90%)
  • IFN-γ : Dosage de l'interféron gamma dans le liquide pleural

4. Biopsie pleurale

La biopsie pleurale (sous scanner ou par thoracoscopie) montre des granulomes caséeux typiques dans 60-90% des cas et permet une culture positive dans 55-80% des cas.

Diagnostic différentiel

Il convient d'éliminer les autres causes de pleurésie :

  • Pleurésie paranéoplasique
  • Pleurésie infectieuse bactérienne
  • Épanchement pleural d'origine cardiaque
  • Pleurésie rhumatismale
  • Embolie pulmonaire
  • Mésothéliome

Traitement

Médicaments antituberculeux

1. Traitement antituberculeux

Le traitement repose sur une quadrithérapie antituberculeuse standard pendant 2 mois, suivie d'une bithérapie pendant 4 mois :

  • Phase intensive (2 mois) : Rifampicine (R), Isoniazide (H), Pyrazinamide (Z), Ethambutol (E)
  • Phase de continuation (4 mois) : Rifampicine + Isoniazide
Posologie adulte standard :
- Isoniazide (H) : 5 mg/kg/j (max 300 mg/j)
- Rifampicine (R) : 10 mg/kg/j (max 600 mg/j)
- Pyrazinamide (Z) : 25 mg/kg/j (max 2 g/j)
- Ethambutol (E) : 15 mg/kg/j

2. Ponctions évacuatrices

En cas d'épanchement abondant avec retentissement respiratoire, des ponctions évacuatrices peuvent être nécessaires pour soulager le patient.

3. Corticothérapie

Son utilisation est controversée. Elle peut être envisagée dans les formes sévères avec réaction inflammatoire importante pour réduire le risque de séquelles pleurales.

4. Traitement des comorbidités

La prise en charge doit également inclure :

  • Correction des carences nutritionnelles
  • Traitement du VIH si co-infection
  • Prise en charge de la douleur
  • Kinésithérapie respiratoire si nécessaire

Suivi et pronostic

Le suivi doit être régulier pour :

  • Surveiller l'évolution clinique et radiologique
  • Détecter d'éventuels effets secondaires des médicaments
  • Vérifier l'observance du traitement

Le pronostic est généralement bon avec un traitement approprié, bien que des séquelles pleurales (épaississement pleural) puissent persister chez 50% des patients.

Important : Le traitement doit être pris régulièrement pendant toute la durée prescrite (6 mois minimum). Une interruption prématurée peut entraîner une rechute et favoriser l'émergence de résistances.

Prévention et conseils

Mesures préventives

1. Pour le patient

  • Respect strict du traitement et des consultations de suivi
  • Mesures d'hygiène pour éviter la transmission (port de masque initialement, aération des pièces)
  • Alimentation équilibrée et riche en calories
  • Arrêt du tabac impératif
  • Repos initial puis reprise progressive des activités

2. Pour l'entourage

  • Dépistage systématique des sujets contacts
  • Traitement préventif si nécessaire (enfant de moins de 5 ans, personnes immunodéprimées)
  • Vaccination par le BCG pour les enfants non vaccinés après élimination d'une tuberculose-maladie

Complications possibles

En l'absence de traitement ou en cas de traitement inadéquat, la pleurésie tuberculeuse peut évoluer vers :

  • Empyème tuberculeux (surinfection purulente)
  • Fibrose pleurale extensive avec restriction respiratoire
  • Dissémination de l'infection (miliaire tuberculeuse)
  • Péricardite tuberculeuse
  • Évolution vers une tuberculose pulmonaire ou extrapulmonaire

Cas particuliers

1. Pleurésie tuberculeuse et VIH

Chez les patients VIH+, la pleurésie tuberculeuse est plus fréquente et peut survenir à des taux de CD4 plus élevés que les autres formes de tuberculose extrapulmonaire. Le traitement antituberculeux est similaire, mais les interactions médicamenteuses avec les antirétroviraux doivent être soigneusement gérées.

2. Résistance aux antituberculeux

En cas de résistance (notamment à la rifampicine), le traitement doit être adapté selon l'antibiogramme et prolongé (9 à 12 mois minimum).

Références et sources

  • OMS - Guidelines for treatment of drug-susceptible tuberculosis (2017)
  • Société de Pneumologie de Langue Française - Recommandations sur la tuberculose (2019)
  • ATS/CDC/IDSA - Official American Thoracic Society/Centers for Disease Control and Prevention/Infectious Diseases Society of America Clinical Practice Guidelines: Treatment of Drug-Susceptible Tuberculosis (2016)
  • European Respiratory Journal - Management of tuberculous pleuritis (2016)
  • UpToDate - Tuberculous pleural effusion (2023)

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