Les troubles obstructifs des voies urinaires
Les troubles obstructifs des voies urinaires représentent un ensemble de pathologies caractérisées par un obstacle au flux normal de l'urine, pouvant survenir à n'importe quel niveau des voies urinaires, des reins à l'urètre. Ces obstructions peuvent être aiguës ou chroniques, partielles ou complètes, et engendrer des complications graves si elles ne sont pas prises en charge rapidement.
Définition et épidémiologie
L'obstruction des voies urinaires est définie comme tout obstacle physique ou fonctionnel qui empêche l'écoulement normal de l'urine. Elle peut concerner 1 à 2% de la population générale, avec une incidence qui augmente avec l'âge, particulièrement chez les hommes en raison de l'hyperplasie bénigne de la prostate.
Les causes d'obstruction varient selon l'âge : chez l'enfant, on retrouve surtout des malformations congénitales (sténose de la jonction pyélo-urétérale), alors que chez l'adulte, les calculs urinaires et l'HBP dominent.
Anatomie et physiologie
Les voies urinaires comprennent les reins, les uretères, la vessie et l'urètre. Leur fonction principale est la production, le transport, le stockage et l'élimination de l'urine. Toute obstruction perturbe cet équilibre délicat, entraînant une augmentation de la pression en amont qui peut endommager les structures rénales.
Causes des obstructions urinaires
Causes intrinsèques
- Calculs urinaires (lithiase urinaire)
- Caillots sanguins
- Tumeurs des voies urinaires (carcinome urothélial)
- Sténoses urétérales ou urétrales
- Valves de l'urètre postérieur (chez le nouveau-né)
Causes extrinsèques
- Hyperplasie bénigne de la prostate (HBP)
- Cancer de la prostate
- Tumeurs pelviennes (utérus, colorectal)
- Fibrose rétropéritonéale
- Grossesse (compression physiologique)
Causes fonctionnelles
- Dysfonction vésicale neurogène
- Vessie hypoactive
- Dyssynergie vésico-sphinctérienne
Symptômes cliniques
La symptomatologie varie selon la localisation, le degré et la rapidité d'installation de l'obstruction :
Obstruction haute (rein et uretère)
- Douleur lombaire unilatérale (colique néphrétique)
- Hématurie (visible ou microscopique)
- Nausées/vomissements (par stimulation vagale)
- Fièvre en cas d'infection associée (urosepsis)
Obstruction basse (vessie et urètre)
- Dysurie (difficulté à uriner)
- Pollakiurie (mictions fréquentes)
- Impuissance mictionnelle (rétention aiguë d'urine)
- Sensation de vidange incomplète
- Incontinence par regorgement
Urgence urologique : L'association fièvre + obstruction urinaire constitue une urgence absolue nécessitant un drainage immédiat pour éviter le choc septique.
Diagnostic
Examen clinique
- Palpation d'une globe vésicale
- Douleur à la palpation de la fosse lombaire
- Examen prostatique chez l'homme
- Examen gynécologique chez la femme
Examens biologiques
- ECBU (Examen CytoBactériologique des Urines)
- Bilan rénal (créatinine, urée)
- Ionogramme sanguin (recherche d'hyperkaliémie)
- Numération formule sanguine (infection)
Examens d'imagerie
- Échographie rénale et vésicale : première intention, évalue la dilatation des cavités
- Uroscanner : gold standard pour les calculs, précise la localisation de l'obstruction
- Uro-IRM : alternative sans irradiation pour les contre-indications au scanner
- Urographie intraveineuse : moins utilisée aujourd'hui
- Cystoscopie : pour les obstructions basses
Complications
Une obstruction non traitée peut entraîner :
- Atteinte rénale irréversible (néphropathie obstructive)
- Infections urinaires compliquées (pyélonéphrite, abcès)
- Urosepsis (infection généralisée)
- Insuffisance rénale aiguë ou chronique
- Dysfonction vésicale permanente
Traitements
Traitement de l'obstruction aiguë
- Drainage urinaire d'urgence :
- Sonage vésical pour rétention aiguë
- Montage de sonde JJ (sonde double J) par voie rétrograde
- Néphrostomie percutanée en cas d'échec
- Antibiothérapie si infection associée
- Antalgiques (AINS pour les coliques néphrétiques)
Traitement étiologique
Selon la cause identifiée :
- Lithiase urinaire :
- Lithotritie extracorporelle (LEC)
- Urétéroscopie avec laser
- Chirurgie percutanée (NLPC)
- HBP :
- Traitement médical (alphabloquants, inhibiteurs de la 5-alpha-réductase)
- Résection transurétrale de la prostate (RTUP)
- Techniques mini-invasives (laser, vaporisation)
- Sténoses : dilatation endoscopique ou plastie chirurgicale
- Tumeurs : résection chirurgicale ± chimiothérapie/radiothérapie
Conseils et prévention
Pour prévenir les récidives
- Hydratation suffisante (>1.5L/jour)
- Régime alimentaire adapté (sel, protéines selon la cause)
- Activité physique régulière
- Surveillance urologique si antécédents
Signes devant amener à consulter
- Douleur lombaire intense
- Difficulté à uriner avec douleur
- Fièvre associée à des symptômes urinaires
- Urines troubles ou sanglantes
- Diminution du volume urinaire
Les patients porteurs de sonde JJ doivent éviter les efforts physiques intenses et boire abondamment pour prévenir l'encrassement de la sonde.
Pronostic
Le pronostic dépend de la rapidité de prise en charge et de la réversibilité de l'obstruction. Une obstruction rapidement levée avant l'apparition de lésions rénales permanentes a un excellent pronostic. En revanche, les obstructions chroniques non traitées peuvent évoluer vers l'insuffisance rénale terminale.
Références et sources
- Collège Français des Urologues (CFU) - Recommandations 2022
- European Association of Urology (EAU) Guidelines on Urolithiasis 2023
- HAS - Prise en charge de la colique néphrétique 2021
- Campbell-Walsh-Wein Urology, 12th Edition
- Améliore ta santé - Troubles urinaires (2023)
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