L'eczéma (dermatite atopique)
La dermatite atopique, communément appelée eczéma, est une maladie cutanée chronique inflammatoire qui touche environ 10 à 20% des enfants et 2 à 10% des adultes dans les pays industrialisés. Cette affection se caractérise par une peau sèche, des démangeaisons intenses et des lésions cutanées récurrentes. Bien que non contagieuse, elle peut considérablement altérer la qualité de vie des patients.
Définition et épidémiologie
La dermatite atopique est une maladie multifactorielle résultant de l'interaction entre des facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. Elle fait partie de ce qu'on appelle la "triade atopique" avec l'asthme et la rhinite allergique.
Chiffres clés : La prévalence de la dermatite atopique a considérablement augmenté au cours des dernières décennies, particulièrement dans les pays industrialisés. Elle débute généralement dans l'enfance (avant 5 ans dans 85% des cas) et peut persister à l'âge adulte dans 10 à 30% des cas.
Physiopathologie
La dermatite atopique résulte d'une combinaison complexe de facteurs :
- Altération de la barrière cutanée : Mutation du gène codant pour la filaggrine, une protéine essentielle à la fonction barrière de la peau
- Dysrégulation immunitaire : Activation des lymphocytes Th2 et production excessive d'immunoglobulines E (IgE)
- Dysbiose cutanée : Déséquilibre du microbiome cutané avec colonisation préférentielle par Staphylococcus aureus
- Facteurs environnementaux : Allergènes, irritants, stress psychologique
Symptômes et formes cliniques
Les manifestations cliniques varient selon l'âge du patient et la sévérité de la maladie :
Chez le nourrisson (avant 2 ans)
- Lésions rouges, suintantes, croûteuses
- Prédominance sur les zones convexes du visage (joues, front, menton)
- Peuvent s'étendre au cuir chevelu et aux faces d'extension des membres
- Épargne généralement la zone péri-buccale et le siège
Chez l'enfant (2-12 ans)
- Lésions sèches, épaissies (lichénifiées)
- Localisation préférentielle aux plis de flexion (coudes, genoux)
- Peut toucher les poignets, chevilles et le cou
- Démangeaisons intenses (prurit) souvent nocturnes
Chez l'adulte
- Forme souvent plus sévère et étendue
- Lichénification marquée
- Atteinte fréquente du visage, du cou, des mains
- Possibilité d'eczéma nummulaire (en pièces de monnaie)
Attention : Le grattage intense peut entraîner des surinfections bactériennes (impétiginisation), des infections virales (eczéma herpétique) ou une aggravation des lésions.
Diagnostic
Le diagnostic de dermatite atopique est principalement clinique, basé sur les critères de Hanifin et Rajka (1980) ou les critères simplifiés de Williams (1994).
Critères diagnostiques de Williams
Pour poser le diagnostic, il faut :
- Un prurit
- Plus trois des critères suivants :
- Antécédents de dermatose des plis
- Antécédents personnels d'asthme ou de rhinite allergique
- Peau sèche généralisée dans l'année écoulée
- Début avant l'âge de 2 ans (non utilisé si enfant de moins de 4 ans)
- Lésions de dermatite dans les plis de flexion
Examens complémentaires
Bien que généralement inutiles, certains examens peuvent être réalisés :
- Tests allergologiques : Prick-tests, dosage des IgE spécifiques (quand une allergie est suspectée)
- Biopsie cutanée : Rarement nécessaire, montre une spongiose et un infiltrat inflammatoire
- Prélèvement bactériologique : En cas de suspicion de surinfection
Diagnostics différentiels
Il est important d'éliminer :
- Dermatite séborrhéique (chez le nourrisson)
- Psoriasis
- Gale
- Dermatite de contact
- Ichtyose vulgaire
- Déficit immunitaire (dermatite atopique-like)
Traitements
La prise en charge de la dermatite atopique repose sur une stratégie thérapeutique adaptée à la sévérité de la maladie et à l'âge du patient.
Traitements de base
- Émollients : Appliqués quotidiennement pour restaurer la barrière cutanée
- Éviction des facteurs aggravants : Irritants, allergènes, stress
- Mesures d'hygiène : Bains courts avec produits sans savon, eau tiède
Traitements médicamenteux
Traitement | Indications | Remarques |
---|---|---|
Corticostéroïdes topiques | Poussées inflammatoires | Choix de la puissance selon localisation et âge |
Inhibiteurs de la calcineurine (tacrolimus, pimecrolimus) | Zones sensibles, entretien | Alternative aux dermocorticoïdes |
Antihistaminiques | Prurit important | Efficacité modeste |
Antibiotiques | Surinfection bactérienne | Topiques ou systémiques selon l'étendue |
Photothérapie | Formes modérées à sévères | UVB à bande étroite ou UVA1 |
Traitements systémiques (ciclosporine, méthotrexate, dupilumab) | Formes sévères résistantes | Réservés aux cas sélectionnés |
Nouveautés thérapeutiques : Les biothérapies comme le dupilumab (anti-IL4/IL13) ont révolutionné la prise en charge des formes sévères de dermatite atopique chez l'adulte et l'adolescent, avec une efficacité remarquable et une bonne tolérance.
Conseils et recommandations
Mesures générales
- Hydrater quotidiennement la peau avec des émollients adaptés
- Privilégier des vêtements en coton plutôt qu'en matières synthétiques ou laine
- Maintenir une température ambiante fraîche (18-20°C) et un taux d'humidité de 50-60%
- Éviter les bains chauds prolongés (préférer des douches courtes à température tiède)
- Utiliser des produits de toilette sans savon, hypoallergéniques
- Couper les ongles courts pour limiter les lésions de grattage
Alimentation
Bien que la dermatite atopique ne soit pas une allergie alimentaire, certains aliments peuvent aggraver les symptômes chez certains patients :
- Éviter les régimes d'exclusion sans preuve d'allergie
- En cas d'allergie alimentaire avérée (œuf, lait, arachide...), suivre les conseils de l'allergologue
- Privilégier une alimentation riche en acides gras essentiels (poissons gras, huiles végétales)
Gestion du stress
Le stress étant un facteur aggravant reconnu, certaines techniques peuvent aider :
- Thérapies cognitives et comportementales
- Techniques de relaxation (méditation, sophrologie)
- Activité physique régulière adaptée
- Groupes de soutien pour patients et parents
Évolution et pronostic
L'évolution de la dermatite atopique est variable :
- Chez environ 60% des enfants, la maladie disparaît avant l'adolescence
- Dans 30-40% des cas, elle persiste à l'âge adulte, souvent sous forme atténuée
- Les formes sévères peuvent avoir un retentissement psychosocial important
- Le risque principal est la surinfection (bactérienne, virale)
Complications à connaître : L'eczéma herpétique (infection par le virus herpes simplex) est une urgence dermatologique qui se manifeste par des vésicules groupées, de la fièvre et une altération de l'état général. Il nécessite un traitement antiviral en urgence.
Recherche et perspectives
La recherche sur la dermatite atopique est très active avec plusieurs axes prometteurs :
- Nouvelles biothérapies ciblant des cytokines spécifiques (IL-13, IL-31, TSLP...)
- Modulateurs du microbiote cutané et intestinal (probiotiques, transplantations)
- Thérapies géniques visant à restaurer la fonction barrière
- Développement de biomarqueurs prédictifs de réponse aux traitements
- Approches personnalisées selon le phénotype de la maladie
Références et sources
1. Société Française de Dermatologie - Recommandations pour la pratique clinique : Prise en charge de la dermatite atopique de l'adulte (2019)
2. Haute Autorité de Santé - Dermatite atopique de l'enfant : diagnostic et prise en charge (2005)
3. Eichenfield LF, et al. Guidelines of care for the management of atopic dermatitis. J Am Acad Dermatol. 2014
4. Weidinger S, Novak N. Atopic dermatitis. Lancet. 2016;387(10023):1109-1122
5. National Eczema Association - www.eczema.org
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