La fibrillation auriculaire (fibrillation atriale)
La fibrillation auriculaire (FA), également appelée fibrillation atriale, est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent. Elle se caractérise par une activité électrique anarchique des oreillettes, entraînant une contraction rapide et désorganisée de ces cavités cardiaques. Cette pathologie constitue un enjeu majeur de santé publique en raison de sa prévalence croissante et de ses complications potentielles, notamment le risque accru d'accident vasculaire cérébral (AVC).
Définition et mécanisme
La fibrillation auriculaire correspond à une activité électrique désorganisée des oreillettes avec une fréquence généralement comprise entre 400 et 600 impulsions par minute. Cette activité anarchique empêche une contraction efficace des oreillettes et perturbe le remplissage des ventricules.
On distingue plusieurs formes de FA selon leur durée et leur réversibilité : FA paroxystique (se termine spontanément en moins de 7 jours), FA persistante (nécessite un traitement pour revenir au rythme sinusal), FA persistante de longue durée (durée > 1 an) et FA permanente (où la décision est prise de ne plus chercher à restaurer le rythme sinusal).
Physiopathologie
La FA résulte généralement d'un foyer ectopique situé au niveau des veines pulmonaires (dans 90% des cas de FA non valvulaire) qui émet des impulsions électriques anarchiques. Ces impulsions créent des circuits de réentrée multiples dans les oreillettes, entretenant le trouble du rythme.
Épidémiologie
La prévalence de la FA augmente avec l'âge :
- Moins de 1% avant 60 ans
- Environ 4% entre 60 et 70 ans
- Plus de 10% après 80 ans
On estime que 1 à 2% de la population générale est concernée, avec une incidence qui double à chaque décennie après 50 ans.
Causes et facteurs de risque
Causes cardiaques
- Hypertension artérielle (cause la plus fréquente)
- Cardiopathie ischémique
- Insuffisance cardiaque
- Valvulopathies (notamment rétrécissement mitral)
- Péricardite
- Cardiomyopathies
- Syndrome de Wolff-Parkinson-White
Causes non cardiaques
- Hyperthyroïdie
- Apnée du sommeil
- Obésité
- Diabète
- Consommation excessive d'alcool ("holiday heart syndrome")
- Stimulants (caféine, nicotine, drogues)
- Chirurgie (surtout thoracique)
- Déséquilibres électrolytiques (hypokaliémie, hypomagnésémie)
Dans environ 10% des cas, aucune cause n'est retrouvée : on parle alors de fibrillation auriculaire idiopathique ou "lone atrial fibrillation".
Symptômes et diagnostic
Manifestations cliniques
Les symptômes de la FA sont variables d'un patient à l'autre. Environ 30% des FA sont asymptomatiques (découverte fortuite).
- Palpitations (sensation de cœur qui bat irrégulièrement ou très vite)
- Asthénie (fatigue importante)
- Essoufflement (dyspnée)
- Douleur thoracique
- Vertiges ou lipothymie
- Syncope (plus rare)
- Signes d'insuffisance cardiaque (œdèmes des membres inférieurs, prise de poids)
Examen clinique
À l'examen, on retrouve :
- Pouls irrégulier ("arythmie complète")
- Déficit pulsé (différence entre fréquence cardiaque auscultatoire et pouls périphérique)
- Tension artérielle variable
- Signes d'insuffisance cardiaque possible (crépitants pulmonaires, turgescence jugulaire, œdèmes)
Examens complémentaires
Électrocardiogramme (ECG)
L'ECG est l'examen clé pour confirmer le diagnostic. Les critères ECG de la FA sont :
- Absence d'ondes P (remplacées par des ondes f anarchiques)
- Complexes QRS étroits (sauf en cas de bloc de branche associé) et irréguliers
- Intervalle R-R irrégulier ("arythmie complète")
- Fréquence ventriculaire variable (souvent entre 100 et 160/min en FA non traitée)
En cas de FA paroxystique, un ECG normal ne permet pas d'éliminer le diagnostic. Un holter ECG de 24h à 7 jours ou un enregistreur d'événements peut alors être nécessaire pour capturer l'épisode de FA.
Bilan étiologique
Une fois le diagnostic posé, des examens complémentaires sont nécessaires pour rechercher la cause :
- Échocardiographie transthoracique : évalue la fonction ventriculaire gauche, recherche une cardiopathie sous-jacente, mesure la taille de l'oreillette gauche
- Bilan thyroïdien (TSH)
- Ionogramme sanguin (notamment kaliémie, magnésémie)
- Bilan hépatique
- Radiographie thoracique (si suspicion d'insuffisance cardiaque ou de pathologie pulmonaire)
- Test d'effort (si suspicion de cardiopathie ischémique)
Complications
Accident vasculaire cérébral (AVC)
La complication la plus redoutée est l'AVC thromboembolique. La stase sanguine dans l'oreillette gauche (notamment dans l'auricule) favorise la formation de thrombus qui peuvent migrer dans la circulation générale.
Le risque d'AVC est multiplié par 5 en cas de FA non valvulaire et par 17 en cas de FA sur valvulopathie rhumatismale. Le score CHA2DS2-VASc permet d'évaluer ce risque.
Autres complications
- Insuffisance cardiaque (par tachycardiomyopathie ou aggravation d'une cardiopathie sous-jacente)
- Détérioration de la qualité de vie
- Démence vasculaire (par micro-embolies cérébrales répétées)
- Mort subite (rare, par fibrillation ventriculaire)
Traitement
La prise en charge de la FA repose sur trois axes principaux :
- Prévention des complications thromboemboliques (anticoagulation)
- Contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque
- Traitement de la cause sous-jacente
Anticoagulation
La décision d'anticoaguler dépend du risque thromboembolique évalué par le score CHA2DS2-VASc :
- Score ≥ 2 chez l'homme ou ≥ 3 chez la femme : anticoagulation recommandée
- Score = 1 chez l'homme ou = 2 chez la femme : anticoagulation à considérer
- Score = 0 : pas d'anticoagulation
Options thérapeutiques :
- Antivitamines K (AVK : warfarine, acénocoumarol) avec INR cible 2-3
- Anticoagulants oraux directs (AOD : dabigatran, rivaroxaban, apixaban, edoxaban)
- En cas de contre-indication aux anticoagulants : antiagrégant plaquettaire (moins efficace)
Contrôle du rythme vs contrôle de la fréquence
Deux stratégies sont possibles :
Stratégie de contrôle du rythme
Objectif : restaurer et maintenir le rythme sinusal.
- Cardioversion électrique (sous anticoagulation efficace)
- Cardioversion pharmacologique (flécaïnide, amiodarone, vernakalant...)
- Traitement antiarythmique de maintien (flécaïnide, propafénone, amiodarone, dronédarone...)
- Ablation par cathéter (isolation des veines pulmonaires)
Stratégie de contrôle de la fréquence
Objectif : accepter la FA mais contrôler la fréquence ventriculaire.
- Bêta-bloquants (métoprolol, bisoprolol...)
- Inhibiteurs calciques (vérapamil, diltiazem)
- Digoxine (surtout en cas d'insuffisance cardiaque ou contre-indication aux autres traitements)
- Ablation du nœud AV + pose de pacemaker (en dernier recours)
Le choix entre contrôle du rythme et contrôle de la fréquence dépend de nombreux facteurs : âge, symptômes, durée de la FA, cardiopathie sous-jacente, taille de l'oreillette gauche, préférences du patient.
Conseils et recommandations
Mode de vie
- Limiter la consommation d'alcool
- Éviter les excitants (café, thé, boissons énergisantes)
- Arrêter le tabac
- Contrôler le poids (l'obésité est un facteur de risque)
- Pratiquer une activité physique régulière adaptée
- Traiter un éventuel syndrome d'apnée du sommeil
Surveillance
- Auto-surveillance du pouls (irrégularité possible)
- Pour les patients sous AVK : surveillance régulière de l'INR
- Pour les patients sous AOD : surveillance de la fonction rénale (au moins annuelle)
- Consultation cardiologique régulière
- Signes d'alerte nécessitant une consultation urgente : saignements, AVC, aggravation des symptômes
En cas de saignement sous anticoagulant, consulter immédiatement un médecin. Ne jamais arrêter un traitement anticoagulant sans avis médical en raison du risque thromboembolique.
Pronostic
La fibrillation auriculaire est associée à :
- Une augmentation de la mortalité (x1,5 à 2)
- Un risque accru d'AVC
- Un risque d'insuffisance cardiaque
- Une altération de la qualité de vie
Cependant, une prise en charge appropriée permet de réduire significativement ces risques. L'observance du traitement anticoagulant (quand il est indiqué) est cruciale pour prévenir les AVC.
Références et sources
1. Haute Autorité de Santé (HAS). Prise en charge de la fibrillation atriale. 2014.
2. European Society of Cardiology (ESC). Guidelines for the management of atrial fibrillation. 2020.
3. American Heart Association (AHA). Atrial Fibrillation Guidelines. 2019.
4. Collège des Enseignants de Cardiologie. Fibrillation atriale. 2021.
5. Mayo Clinic. Atrial fibrillation. 2022.
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