Le Chikungunya : Comprendre, Prévenir et Traiter
Photo de moustique Aedes aegypti par Sanofi Pasteur (CC) via Unsplash
Le chikungunya est une maladie virale transmise par les moustiques qui provoque de fortes fièvres et des douleurs articulaires intenses. Découverte pour la première fois en Tanzanie dans les années 1950, cette infection s'est depuis propagée dans de nombreuses régions tropicales et subtropicales du monde. Bien que rarement mortelle, elle peut entraîner des complications graves et des douleurs persistantes chez certains patients.
Définition et transmission
Le chikungunya est une arbovirose, c'est-à-dire une maladie virale transmise par des arthropodes, en l'occurrence des moustiques du genre Aedes (principalement Aedes aegypti et Aedes albopictus). Le virus responsable appartient à la famille des Togaviridae et au genre Alphavirus.
Le terme "chikungunya" vient du makondé, une langue bantoue parlée en Tanzanie et au Mozambique, et signifie "qui se recourbe" ou "qui se recroqueville", en référence à la posture courbée que prennent les patients souffrant de douleurs articulaires caractéristiques.
Modes de transmission
- Transmission par piqûre de moustique : Le cycle classique implique un moustique qui pique une personne infectée puis transmet le virus à d'autres personnes lors de piqûres ultérieures.
- Transmission mère-enfant : Possible surtout lorsque la mère est infectée juste avant l'accouchement.
- Transmission par produits sanguins : Théoriquement possible mais extrêmement rare.
Symptômes et diagnostic
Photo de douleurs articulaires par Online Marketing (CC) via Unsplash
Symptômes principaux
Après une incubation de 2 à 10 jours (en moyenne 4 à 7 jours), la maladie se manifeste brutalement par :
- Une forte fièvre (souvent supérieure à 39°C)
- Des douleurs articulaires intenses touchant principalement les extrémités (poignets, chevilles, phalanges)
- Des douleurs musculaires diffuses
- Des céphalées
- Une éruption cutanée (dans 40 à 50% des cas)
- Une fatigue importante
Les douleurs articulaires sont si caractéristiques qu'elles permettent souvent d'évoquer le diagnostic. Elles sont typiquement bilatérales et symétriques, avec souvent un gonflement des articulations concernées.
Formes cliniques particulières
- Formes asymptomatiques : Jusqu'à 25% des infections peuvent passer inaperçues.
- Formes graves : Plus fréquentes chez les nouveau-nés, les personnes âgées et les patients avec comorbidités (diabète, hypertension, etc.).
- Formes chroniques : Les douleurs articulaires peuvent persister plusieurs mois voire années chez environ 30 à 40% des patients.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur :
- Clinique : Tableau évocateur en zone d'endémie ou chez un voyageur revenant de zone endémique.
- Biologie :
- RT-PCR (détection directe du virus dans les 5-7 premiers jours)
- Sérologie (recherche d'IgM à partir du 5ème jour)
- Bilan inflammatoire : Souvent syndrome inflammatoire biologique avec leucopénie et thrombopénie possible.
Examens complémentaires et bilans
En plus des tests spécifiques pour confirmer l'infection par le virus chikungunya, certains bilans peuvent être utiles :
Bilans biologiques
- Numération formule sanguine (NFS) : Peut montrer une leucopénie, une thrombopénie
- Bilan hépatique : Parfois cytolyse hépatique modérée
- CRP : Souvent élevée
- CPK : Peut être élevée en cas d'atteinte musculaire importante
Examens d'imagerie
Généralement inutiles sauf en cas de complications :
- Radiographies articulaires : Normales au stade aigu
- Échographie articulaire : Peut montrer un épanchement
- IRM : Rarement indiquée, peut montrer une synovite ou des lésions tendineuses dans les formes chroniques
Traitement et prise en charge
Photo de médicaments par National Cancer Institute (CC) via Unsplash
Traitement symptomatique
Il n'existe pas de traitement antiviral spécifique contre le chikungunya. La prise en charge est symptomatique :
- Repos strict pendant la phase aiguë
- Hydratation abondante
- Antalgiques : Paracétamol en première intention
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : À éviter pendant la phase fébrile (risque hémorragique), puis peuvent être utiles pour les arthralgies
- Antipyrétiques pour la fièvre
Attention : L'aspirine est contre-indiquée en raison du risque de syndrome hémorragique et de syndrome de Reye. Les AINS doivent être évités pendant la phase fébrile dans les zones où coexistent dengue et chikungunya (risque de confusion diagnostique).
Traitement des formes chroniques
Pour les formes avec arthralgies persistantes :
- Kinésithérapie et activité physique adaptée
- Antalgiques de palier II si nécessaire
- Parfois corticothérapie courte en infiltration ou par voie générale
- Certains essais avec hydroxychloroquine avec résultats variables
Prévention et conseils
Photo de protection anti-moustique par John Tekeridis (CC) via Unsplash
Protection individuelle
- Utilisation de répulsifs cutanés (DEET, IR3535, icaridine)
- Port de vêtements longs et amples imprégnés d'insecticide
- Moustiquaires imprégnées
- Climatisation ou ventilation des habitats (les moustiques n'aiment pas les courants d'air)
Protection collective
- Élimination des gîtes larvaires (eaux stagnantes)
- Démoustication autour des cas humains pour limiter les épidémies
- Information et éducation des populations
Conseils aux voyageurs
- Se renseigner sur la situation épidémiologique avant le départ
- Prévoir une protection anti-moustique efficace
- Consulter en urgence en cas de fièvre au retour de zone endémique
En cas d'épidémie déclarée, les mesures de prévention doivent être renforcées et les personnes à risque (nouveau-nés, personnes âgées, immunodéprimés) doivent être particulièrement protégées.
Complications et pronostic
Complications possibles
Bien que généralement bénigne, l'infection peut entraîner :
- Formes hémorragiques (rares mais possibles)
- Atteintes neurologiques (méningo-encéphalites surtout chez les nouveau-nés)
- Atteintes cardiaques (myocardite, troubles du rythme)
- Atteintes hépatiques et rénales
- Formes chroniques avec arthralgies persistantes
Pronostic
- La mortalité est faible (inférieure à 1‰) mais plus élevée chez les personnes fragiles
- La guérison est généralement complète en 1 à 2 semaines
- Environ 30 à 40% des patients développent une forme chronique avec des douleurs articulaires pouvant persister plusieurs mois voire années
Recherche et perspectives
Plusieurs pistes sont actuellement explorées :
- Développement de vaccins (plusieurs candidats vaccins en essais cliniques)
- Recherche sur les traitements antiviraux spécifiques
- Techniques de contrôle des populations de moustiques (moustiques génétiquement modifiés, technique de l'insecte stérile)
- Meilleure compréhension des mécanismes des formes chroniques
Références et sources
1. Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Fiche technique Chikungunya
2. Centers for Disease Control and Prevention (CDC) - Chikungunya Virus
3. Institut Pasteur - Dossier Chikungunya
4. Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) - Recommandations pour le diagnostic et la prise en charge du chikungunya
5. Ministère de la Santé - Protocole de surveillance et d'alerte Chikungunya
6. Revue Médecine et Maladies Infectieuses - Numéro spécial sur les arboviroses (2019)
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