Cancer des surrénales : Tout savoir sur cette pathologie rare
Définition et généralités
Le cancer des surrénales, ou carcinome corticosurrénalien, est une tumeur maligne rare qui se développe dans les glandes surrénales. Ces petites glandes triangulaires situées au-dessus des reins produisent des hormones essentielles comme le cortisol, l'aldostérone et les androgènes.
Les cancers surrénaliens représentent seulement 0,02% de tous les cancers, avec une incidence estimée à 1-2 cas par million d'habitants par an. Ils peuvent survenir à tout âge mais présentent deux pics de fréquence : avant 5 ans et entre 40-50 ans.
Types de tumeurs surrénaliennes
- Tumeurs corticosurrénaliennes : les plus fréquentes, développées à partir du cortex surrénalien
- Phéochromocytomes malins : tumeurs de la médullosurrénale (plus rares)
- Métastases surrénaliennes : provenant d'autres cancers (poumon, sein, rein)
Symptômes et manifestations cliniques
Les symptômes varient selon que la tumeur est sécrétante ou non, et selon le type d'hormones produites :
Symptômes des tumeurs sécrétantes
- Syndrome de Cushing (excès de cortisol) : prise de poids, visage rond et rouge, vergetures, hypertension, diabète
- Hyperaldostéronisme : hypertension artérielle sévère, faiblesse musculaire
- Virilisation (excès d'androgènes) : hirsutisme, acné, voix grave chez la femme
- Phéochromocytome : poussées hypertensives, palpitations, sueurs, maux de tête
Symptômes des tumeurs non sécrétantes
- Douleurs abdominales ou dorsales
- Masse palpable
- Symptômes généraux (fatigue, perte de poids)
- Découverte fortuite sur une imagerie (incidentalome)
Attention : Environ 50% des carcinomes corticosurrénaliens sont découverts à un stade avancé avec des métastases (foie, poumons, os). Un diagnostic précoce améliore significativement le pronostic.
Diagnostic et bilan
Le diagnostic repose sur un ensemble d'examens cliniques, biologiques et radiologiques :
Bilan hormonal
- Dosage du cortisol libre urinaire (CLU) et test de freinage à la dexaméthasone
- Dosage de l'aldostérone et de la rénine
- Dosage des androgènes (DHEA-S, testostérone)
- Catécholamines urinaires (en cas de suspicion de phéochromocytome)
Imagerie médicale
- Scanner abdominal : examen de première intention pour caractériser la lésion
- IRM : utile pour évaluer l'extension locale et l'envahissement vasculaire
- TEP-scan au FDG : pour détecter les métastases et le caractère malin
- Scintigraphie (MIBG ou octréoscan) pour les phéochromocytomes
Critères de malignité
Les critères radiologiques de Weiss (en histologie) et les scores comme le score de Weiss modifié aident à différencier les tumeurs bénignes des malignes :
- Taille > 4-6 cm
- Densité spontanée au scanner > 10 UH
- Prise de contraste hétérogène
- Nécrose ou hémorragie intratumorale
- Envahissement locorégional ou métastases
Traitements
La prise en charge est multidisciplinaire (endocrinologue, chirurgien, oncologue) et dépend du stade de la maladie :
Chirurgie
Traitement de référence pour les tumeurs localisées :
- Surrénalectomie : ablation de la glande surrénale atteinte
- Approche laparoscopique pour les petites tumeurs sans critère de malignité
- Chirurgie ouverte pour les grosses tumeurs ou suspectes de malignité
- Exérèse des métastases si possible (foie, poumon)
Traitements médicaux
- Médicaments antitumoraux : mitotane (Lysodren®), chimiothérapie (cisplatine, doxorubicine, étoposide)
- Traitements ciblés : sunitinib, cabozantinib en essais cliniques
- Immunothérapie : pembrolizumab en cours d'évaluation
- Traitement hormonal : pour contrôler les sécrétions hormonales excessives
Radiothérapie
Utilisée principalement pour :
- Traiter les métastases osseuses douloureuses
- Réduire le risque de récidive locale après chirurgie
- Radiothérapie stéréotaxique pour certaines métastases
Le mitotane reste la pierre angulaire du traitement médical, avec un double effet antitumoral et antisécrétoire. Son dosage sanguin doit être régulièrement surveillé (niveau thérapeutique 14-20 mg/L).
Pronostic et suivi
Le pronostic dépend principalement du stade au diagnostic :
- Stade I (tumeur ≤5 cm) : survie à 5 ans > 80%
- Stade II (tumeur >5 cm sans envahissement) : 50-60%
- Stade III (envahissement local ou ganglionnaire) : 20-35%
- Stade IV (métastases) : < 10% à 5 ans
Surveillance post-traitement
- Examens cliniques réguliers
- Bilan hormonal annuel
- Scanner thoraco-abdomino-pelvien tous les 3-6 mois
- Surveillance du taux de mitotane si traitement en cours
Conseils et recommandations
Pour les patients
- Signaler tout symptôme nouveau ou aggravé à votre médecin
- Respecter scrupuleusement le traitement et les suivis
- Maintenir une alimentation équilibrée et une activité physique adaptée
- Gérer le stress et se faire accompagner psychologiquement si besoin
Pour les proches
- Être à l'écoute et soutenir le patient dans son parcours de soins
- Participer aux consultations si le patient le souhaite
- Se renseigner sur la maladie pour mieux comprendre
- Prendre soin de soi pour éviter l'épuisement
En cas de surrénalectomie bilatérale ou d'insuffisance surrénale, le patient doit porter une carte mentionnant son traitement substitutif (hydrocortisone) et savoir doubler les doses en cas de stress ou d'infection (règle du doublement).
Sources et références
1. Société Française d'Endocrinologie - Recommandations sur les tumeurs surrénaliennes (2022)
2. National Cancer Institute - Adrenocortical Carcinoma Treatment (PDQ®)
3. European Society of Endocrinology - Clinical Practice Guidelines on adrenal incidentalomas (2016)
4. Fassnacht M et al. - Management of adrenal incidentalomas: European Society of Endocrinology Clinical Practice Guideline (2018)
5. Libé R - Adrenocortical carcinoma (ACC): diagnosis, prognosis, and treatment (Frontiers in Endocrinology, 2015)
Pour en savoir plus
- Association Surrénales (France) : www.association-surrenales.fr
- Orphanet : portail des maladies rares (www.orpha.net)
- Réseau européen de référence sur les cancers endocriniens rares (ENSAT)