L'anorexie mentale : Comprendre, Diagnostiquer et Traiter
L'anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire (TCA) complexe et multifactoriel qui représente un enjeu majeur de santé publique. Caractérisée par une restriction alimentaire volontaire et une peur intense de prendre du poids, cette maladie peut avoir des conséquences physiques et psychologiques graves. Cet article explore en profondeur tous les aspects de l'anorexie mentale, de sa définition aux traitements disponibles.
Définition et épidémiologie
L'anorexie mentale est définie par le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) comme un trouble alimentaire caractérisé par :
- Une restriction des apports énergétiques conduisant à un poids corporel significativement bas
- Une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros
- Une altération de la perception du poids ou de la forme corporelle
Formes cliniques
On distingue deux sous-types principaux :
- Type restrictif : le patient limite sévèrement son alimentation sans recours aux crises de boulimie ou aux comportements de purge
- Type avec crises de boulimie/vomissements : le patient alterne périodes de restriction et épisodes de consommation incontrôlée de nourriture suivis de comportements compensatoires (vomissements, laxatifs, exercice excessif)
Diagnostic et symptômes
Critères diagnostiques
Le diagnostic repose sur des critères cliniques établis par le DSM-5 :
- Restriction des apports caloriques menant à un poids significativement bas (IMC ≤ 17,5 kg/m² chez l'adulte)
- Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros malgré l'insuffisance pondérale
- Altération de la perception du poids ou de la forme corporelle
- Influence excessive du poids sur l'estime de soi
- Absence de reconnaissance de la gravité de la maigreur actuelle
Symptômes cliniques
Les manifestations de l'anorexie mentale sont multiples :
- Symptômes physiques : amaigrissement, aménorrhée (absence de règles), fatigue, frilosité, chute de cheveux, peau sèche, ongles cassants, lanugo (pilosité fine sur le corps)
- Symptômes psychologiques : obsession pour la nourriture, rituels alimentaires, isolement social, irritabilité, dépression, anxiété
- Symptômes comportementaux : restriction alimentaire, exercice physique excessif, mensonges sur l'alimentation, port de vêtements amples
Bilans et examens complémentaires
Bilan biologique
Plusieurs perturbations peuvent être observées :
- Hémogramme : anémie, leucopénie
- Ionogramme : hypokaliémie (en cas de vomissements), hyponatrémie
- Fonction rénale : élévation de l'urée
- Fonction hépatique : transaminases parfois élevées
- Bilan endocrinien : baisse des hormones thyroïdiennes, cortisol élevé, œstrogènes/testostérone bas
Examens complémentaires
- Densitométrie osseuse : pour évaluer l'ostéopénie/ostéoporose
- ECG : recherche de troubles du rythme (allongement du QT)
- Imagerie cérébrale : en cas de doute diagnostique
Traitements et prise en charge
La prise en charge de l'anorexie mentale doit être multidisciplinaire et adaptée à la sévérité du trouble. Elle associe plusieurs approches complémentaires.
Prise en charge nutritionnelle
- Réalimentation progressive sous surveillance médicale
- Supplémentation en vitamines et minéraux si nécessaire
- Éducation nutritionnelle
- Objectif de poids cible individualisé
Psychothérapies
Plusieurs approches ont démontré leur efficacité :
- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : travail sur les distorsions cognitives et les comportements problématiques
- Thérapie familiale : particulièrement chez les adolescents
- Thérapie interpersonnelle : travail sur les relations sociales
- Thérapies corporelles : pour améliorer l'image de soi
Traitements médicamenteux
Aucun médicament ne traite spécifiquement l'anorexie, mais certains peuvent aider :
- Antidépresseurs (en cas de dépression comorbide)
- Anxiolytiques (ponctuellement)
- Suppléments nutritionnels (vitamines, minéraux)
Hospitalisation
Elle est nécessaire dans les cas sévères :
- IMC < 13 kg/m² ou perte de poids rapide
- Complications médicales sévères
- Risque suicidaire
- Échec des traitements ambulatoires
Conseils et recommandations
Pour les patients
- Reconnaître le problème est la première étape vers la guérison
- Chercher de l'aide professionnelle sans tarder
- S'entourer de personnes de confiance
- Éviter l'isolement social
- Se fixer des objectifs progressifs et réalisables
Pour l'entourage
- Éviter les commentaires sur le poids ou l'apparence
- Manifester son soutien sans jugement
- Encourager la personne à consulter
- Se renseigner sur la maladie
- Prendre soin de soi (groupes de parole pour proches)
Pronostic et complications
L'évolution de l'anorexie mentale est variable. Les facteurs de bon pronostic incluent un diagnostic précoce, une motivation au changement et un bon soutien familial. Les complications potentielles sont nombreuses :
- Cardiovasculaires : bradycardie, hypotension, troubles du rythme
- Osseuses : ostéoporose, fractures
- Métaboliques : déséquilibres électrolytiques
- Psychiatriques : dépression, anxiété, risque suicidaire
- Reproductives : infertilité, complications de grossesse
Références et sources
1. DSM-5, American Psychiatric Association (2013)
2. Haute Autorité de Santé - Anorexie mentale : prise en charge (2010)
3. INSERM - Troubles des conduites alimentaires (2019)
4. National Eating Disorders Association (NEDA)
5. Treasure J et al. Eating disorders. Lancet (2020)
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