La Goutte : Comprendre, Diagnostiquer et Traiter
La goutte est une forme d'arthrite inflammatoire particulièrement douloureuse qui survient lorsque des cristaux d'acide urique s'accumulent dans les articulations. Cette maladie, connue depuis l'Antiquité, touche environ 1 à 2% de la population occidentale et est en augmentation ces dernières années en raison des changements dans les habitudes alimentaires et l'augmentation de l'obésité.
Définition et mécanisme
La goutte est une maladie métabolique caractérisée par des dépôts de cristaux d'urate monosodique dans les tissus, principalement dans et autour des articulations. Ces cristaux provoquent une inflammation aiguë et chronique responsable des symptômes douloureux.
L'acide urique est un produit de dégradation des purines, substances présentes naturellement dans notre organisme et dans certains aliments. Normalement, l'acide urique est éliminé par les reins. Lorsque sa production est trop importante ou que son élimination est insuffisante, son taux sanguin augmente (hyperuricémie) et peut conduire à la formation de cristaux.
Facteurs de risque
Facteurs non modifiables
- Âge (plus fréquente après 40 ans chez l'homme et après la ménopause chez la femme)
- Sexe (les hommes sont 3 à 4 fois plus touchés que les femmes)
- Antécédents familiaux de goutte
- Certaines maladies génétiques rares
Facteurs modifiables
- Alimentation riche en purines (viandes rouges, abats, fruits de mer)
- Consommation excessive d'alcool (surtout bière et spiritueux)
- Obésité et syndrome métabolique
- Certains médicaments (diurétiques thiazidiques, aspirine à faible dose)
- Insuffisance rénale
Symptômes et présentation clinique
La goutte évolue généralement en plusieurs phases, chacune avec des symptômes caractéristiques :
1. Hyperuricémie asymptomatique
Période où le taux d'acide urique est élevé dans le sang mais sans symptômes. Peut durer des années.
2. Crise de goutte aiguë
- Apparition brutale, souvent la nuit
- Douleur intense dans une articulation (gros orteil dans 50% des cas)
- Articulation rouge, chaude, gonflée et extrêmement sensible
- Fièvre possible
- La crise dure généralement 3 à 10 jours sans traitement
3. Période intercritique
Période entre les crises où le patient ne présente aucun symptôme, mais où l'hyperuricémie persiste.
4. Goutte chronique (tophacée)
Après plusieurs années d'évolution non traitée, des dépôts de cristaux (tophus) peuvent se former sous la peau, dans les articulations et les reins, entraînant des déformations et des complications.
Une crise de goutte non traitée peut devenir chronique et entraîner des dommages articulaires permanents, ainsi que des complications rénales (calculs, insuffisance rénale).
Diagnostic
Le diagnostic de la goutte repose sur plusieurs éléments :
Examen clinique
Le médecin recherche les signes typiques d'une crise de goutte et les facteurs de risque.
Examens biologiques
- Dosage de l'acide urique sanguin (uricémie) : normalement inférieur à 360 μmol/L (60 mg/L) chez la femme et 420 μmol/L (70 mg/L) chez l'homme
- Analyse du liquide articulaire (ponction) : recherche de cristaux d'urate en forme d'aiguilles
- Marqueurs de l'inflammation (CRP, VS) souvent élevés pendant la crise
Examens d'imagerie
- Radiographie : peut montrer des érosions osseuses en cas de goutte chronique
- Échographie : peut détecter des dépôts de cristaux
- Scanner ou IRM dans certains cas complexes
Traitements
Le traitement de la goutte a deux objectifs : soulager la crise aiguë et prévenir les récidives en abaissant le taux d'acide urique.
Traitement de la crise aiguë
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : indométacine, naproxène (contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale)
- Colchicine : efficace si prise précocement (dans les 12-24 premières heures)
- Corticostéroïdes : oraux ou en infiltration pour les crises sévères ou en cas de contre-indication aux AINS
- Repos de l'articulation touchée et application de glace
Traitement de fond (prévention des récidives)
- Inhibiteurs de la xanthine oxydase : allopurinol (médicament de référence), fébuxostat
- Uricosuriques : probénécide, qui augmente l'élimination rénale de l'acide urique
- Uricolytiques : rasburicase, utilisée dans certains cas particuliers
Le traitement de fond ne doit JAMAIS être commencé pendant une crise aiguë, mais seulement 2 à 4 semaines après la résolution de la crise, sous couvert d'une prophylaxie par colchicine ou AINS à faible dose pour prévenir les crises induites par la baisse brutale de l'uricémie.
Conseils et recommandations
Mesures hygiéno-diététiques
- Hydratation : boire au moins 2 litres d'eau par jour pour favoriser l'élimination de l'acide urique
- Alimentation :
- Réduire les aliments riches en purines (viandes rouges, abats, fruits de mer, certains poissons gras)
- Limiter l'alcool, surtout la bière et les spiritueux
- Privilégier les produits laitiers pauvres en matières grasses
- Augmenter la consommation de fruits (sauf fructose en excès) et légumes
- Éviter les régimes hyperprotéinés et les jeûnes prolongés
- Poids : perdre du poids progressivement en cas de surpoids (mais éviter les régimes trop stricts)
- Activité physique : régulière mais modérée, éviter les traumatismes articulaires
Surveillance
- Contrôle régulier de l'uricémie (objectif : < 360 μmol/L ou < 300 μmol/L en cas de goutte sévère)
- Surveillance de la fonction rénale
- Contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires associés
Même en l'absence de symptômes, il est essentiel de poursuivre le traitement de fond à vie dans la plupart des cas, car l'hyperuricémie persiste et peut entraîner des complications silencieuses (articulaires, rénales, cardiovasculaires).
Complications
Si la goutte n'est pas correctement traitée, plusieurs complications peuvent survenir :
- Arthropathie goutteuse chronique (destruction articulaire)
- Formation de tophi (nodules sous-cutanés contenant des cristaux)
- Calculs rénaux à acide urique
- Néphropathie goutteuse (atteinte rénale)
- Augmentation du risque cardiovasculaire
Cas particuliers
Goutte chez la femme
Plus rare avant la ménopause (effet protecteur des œstrogènes), la goutte chez la femme est souvent associée à la prise de diurétiques, à une insuffisance rénale ou à l'hypertension artérielle.
Goutte chez les personnes âgées
Les crises peuvent être moins typiques (atteinte polyarticulaire), souvent déclenchées par la prise de diurétiques. Attention aux interactions médicamenteuses.
Goutte et comorbidités
La goutte est souvent associée au syndrome métabolique (obésité, hypertension, diabète, dyslipidémie), ce qui nécessite une prise en charge globale.
Références et sources
1. Haute Autorité de Santé (HAS) - Prise en charge de la goutte (2018)
2. Société Française de Rhumatologie - Recommandations sur la goutte (2020)
3. American College of Rheumatology - Guidelines for the Management of Gout (2020)
4. European League Against Rheumatism (EULAR) - Evidence based recommendations for gout (2016)
5. Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) - Dossier sur la goutte
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