La dénutrition : Comprendre, Diagnostiquer et Traiter
La dénutrition est un problème de santé publique majeur qui touche particulièrement les personnes âgées, les enfants et les patients hospitalisés. Malgré sa prévalence, elle reste souvent sous-diagnostiquée et insuffisamment prise en charge. Cet article fait le tour complet de cette pathologie aux multiples facettes.
Définition de la dénutrition
La dénutrition est définie comme un état pathologique résultant d'un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins de l'organisme. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), on parle de dénutrition lorsqu'il existe :
- Une perte de poids ≥ 5% en 1 mois ou ≥ 10% en 6 mois
- Un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 18,5 kg/m² chez l'adulte inférieur à 70 ans
- Un IMC inférieur à 21 kg/m² chez la personne âgée supérieur ou égale à 70 ans
- Une réduction de la prise alimentaire supérieur à 50% pendant plus d'une semaine
Les causes de la dénutrition
Causes principales
La dénutrition résulte généralement de trois mécanismes principaux qui peuvent s'associer :
- Apports insuffisants : Anorexie, troubles de la déglutition, isolement social, précarité
- Augmentation des besoins : Infections, cancers, brûlures étendues, hyperthyroïdie
- Pertes excessives : Malabsorption intestinale, diarrhées chroniques, fistules digestives
Facteurs de risque
Certaines populations sont particulièrement vulnérables :
- Personnes âgées (altération du goût, solitude, polypathologies)
- Nourrissons et jeunes enfants (besoins élevés en croissance)
- Patients hospitalisés (maladies aiguës, examens à jeun)
- Personnes en situation de précarité
- Patients atteints de maladies chroniques (cancer, insuffisance cardiaque, BPCO...)
Symptômes et conséquences
Signes cliniques
La dénutrition se manifeste par divers symptômes dont l'intensité dépend de sa sévérité :
- Amaigrissement visible (vêtements trop larges, visage creusé)
- Fatigue persistante et asthénie
- Diminution de la force musculaire (difficulté à se lever d'une chaise)
- Peau sèche et pâle, cheveux cassants
- Troubles de l'humeur (irritabilité, dépression)
- Retard de cicatrisation
- Frilosité excessive
Complications
Non traitée, la dénutrition entraîne des complications graves :
- Atteinte des défenses immunitaires (infections à répétition)
- Atrophie musculaire (risque de chutes et fractures)
- Altération des fonctions cognitives
- Aggravation des maladies chroniques
- Augmentation de la mortalité (risque multiplié par 4 chez les personnes âgées)
Diagnostic et bilans
Évaluation clinique
Le diagnostic repose sur :
- L'anamnèse alimentaire (quantité et qualité des repas)
- La mesure du poids et de la taille (calcul de l'IMC)
- La recherche d'une perte de poids récente
- L'examen des signes cliniques évocateurs
Examens complémentaires
Des bilans biologiques permettent d'évaluer la sévérité :
- Albuminémie (reflet des protéines viscérales)
- Pré-albuminémie (marqueur précoce)
- Numération formule sanguine (anémie fréquente)
- Ionogramme sanguin (carences en minéraux)
- Dosage des vitamines (B1, B9, B12, D...)
Traitement de la dénutrition
Principes généraux
La prise en charge repose sur trois axes :
- Corriger le déficit nutritionnel
- Traiter la cause sous-jacente
- Prévenir les complications
Mesures nutritionnelles
L'enrichissement de l'alimentation est la première étape :
- Augmentation des apports protéiques (viande, œufs, poisson, laitages)
- Ajout de matières grasses (beurre, huile, crème fraîche)
- Fractionnement des repas (6 petits repas plutôt que 3 gros)
- Utilisation de compléments nutritionnels oraux si nécessaire
Traitements spécifiques
Dans les formes sévères ou en cas d'échec des mesures orales :
- Nutrition entérale (sonde naso-gastrique ou gastrostomie)
- Nutrition parentérale (perfusion veineuse)
- Supplémentation en vitamines et minéraux
- Médicaments orexigènes dans certains cas
Prévention et conseils pratiques
Pour les personnes à risque
Quelques mesures simples peuvent prévenir la dénutrition :
- Pesée régulière (au moins une fois par mois)
- Surveillance de l'appétit et des quantités consommées
- Repas conviviaux pour stimuler l'envie de manger
- Adaptation des textures en cas de troubles de la déglutition
- Activité physique modérée pour stimuler l'appétit
Pour l'entourage
L'accompagnement des proches est essentiel :
- Ne pas faire de remarques sur les quantités mangées
- Privilégier les aliments préférés de la personne
- Présenter les plats de manière appétissante
- Favoriser l'autonomie dans la prise des repas
- Signaler rapidement toute perte de poids au médecin
Conclusion
La dénutrition est une pathologie fréquente aux conséquences graves mais souvent réversible si elle est prise en charge précocement. Son dépistage systématique chez les populations à risque et la mise en œuvre de mesures nutritionnelles adaptées permettent d'améliorer significativement le pronostic et la qualité de vie des patients.
La lutte contre la dénutrition nécessite une approche pluridisciplinaire associant médecins, diététiciens, infirmiers, aides-soignants et proches. Depuis 2019, la France s'est dotée d'un "Plan national nutrition santé" incluant un volet spécifique sur la dénutrition, témoignant de l'importance accordée à ce problème de santé publique.
- Haute Autorité de Santé (HAS) - Recommandations sur la dénutrition (2019)
- Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNEP)
- Plan National Nutrition Santé (PNNS 2019-2023)
- Organisation Mondiale de la Santé (OMS) - Malnutrition (2021)
- Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM)
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