Leucémie myéloïde chronique (LMC) : Guide complet
Définition et généralités
La leucémie myéloïde chronique (LMC) est un cancer du sang et de la moelle osseuse caractérisé par une prolifération anormale des cellules myéloïdes. Elle représente environ 15% des leucémies de l'adulte et survient principalement entre 40 et 60 ans, avec une légère prédominance masculine.
La LMC est la première maladie cancéreuse où une anomalie chromosomique spécifique (le chromosome Philadelphie) a été identifiée comme cause de la maladie. Cette découverte a révolutionné la compréhension des cancers et ouvert la voie aux thérapies ciblées.
Physiopathologie
La LMC résulte d'une translocation entre les chromosomes 9 et 22, formant le chromosome Philadelphie. Cette anomalie crée un gène de fusion BCR-ABL1 qui produit une tyrosine kinase anormale, entraînant une prolifération incontrôlée des cellules souches hématopoïétiques.
Symptômes de la LMC
La LMC évolue souvent silencieusement au début. Les symptômes, lorsqu'ils apparaissent, sont généralement non spécifiques :
- Fatigue importante et persistante
- Perte de poids inexpliquée
- Sueurs nocturnes abondantes
- Sensation de plénitude abdominale (due à la splénomégalie)
- Fièvre modérée sans infection évidente
- Pâleur (signe d'anémie)
- Tendances aux saignements ou ecchymoses
Diagnostic de la LMC
Bilan biologique
Le diagnostic repose sur plusieurs examens complémentaires :
- Numération formule sanguine (NFS) : montre une hyperleucocytose souvent majeure (> 50 000/mm³) avec myélémie (présence de précurseurs myéloïdes dans le sang)
- Frottis sanguin : révèle tous les stades de maturation de la lignée granuleuse
- Myélogramme : moelle riche avec hyperplasie de la lignée granuleuse
Examens cytogénétiques et moléculaires
- Caryotype : recherche du chromosome Philadelphie (présent dans 95% des cas)
- PCR quantitative : détection du transcrit BCR-ABL1
- FISH (Hybridation in situ fluorescente) : pour confirmer la translocation
Le diagnostic différentiel doit éliminer : les leucémies myéloïdes aiguës, les syndromes myéloprolifératifs non classés, les leucémies myélomonocytaires chroniques et les réactions leucémoïdes (infections, cancers métastatiques).
Évolution et phases de la maladie
La LMC évolue classiquement en trois phases :
Phase chronique (85% des cas au diagnostic)
Durée moyenne de 3 à 5 ans sans traitement. Peu ou pas de symptômes, réponse généralement bonne aux traitements.
Phase d'accélération
Marquée par :
- Augmentation des blastes (10-19% dans le sang ou la moelle)
- Hyperleucocytose réfractaire
- Apparition de nouvelles anomalies chromosomiques
- Symptômes généraux marqués
Phase blastique (crise blastique)
Transformation en leucémie aiguë (myéloïde dans 70% des cas, lymphoïde dans 30%). Pronostic très sombre avec survie médiane de 3 à 6 mois.
Traitements de la LMC
Inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK)
Première ligne de traitement depuis les années 2000 :
- Imatinib (Glivec®) : premier ITK développé, taux de réponse > 90%
- Dasatinib (Sprycel®) : pour les résistances à l'imatinib
- Nilotinib (Tasigna®) : plus puissant que l'imatinib
- Bosutinib (Bosulif®) et Ponatinib (Iclusig®) : nouvelles générations
Autres traitements
- Interféron-α : utilisé avant l'ère des ITK, parfois en combinaison
- Chimiothérapie (hydroxyurée) : pour contrôler rapidement l'hyperleucocytose
- Greffe de cellules souches hématopoïétiques : seul traitement potentiellement curateur, réservé aux cas résistants ou en phase avancée
L'objectif du traitement est d'obtenir une réponse moléculaire complète (RMC) avec disparition du transcrit BCR-ABL1 détectable par PCR. Le suivi régulier par PCR quantitative est essentiel pour adapter le traitement.
Pronostic et suivi
Avec les ITK, la survie à 10 ans dépasse 80%. Les facteurs pronostiques incluent :
- Score Sokal ou EUTOS (évaluant le risque au diagnostic)
- Réponse précoce au traitement (à 3 et 6 mois)
- Profondeur de la réponse moléculaire
- Tolérance au traitement
Surveillance
Le suivi comprend :
- NFS mensuelle au début puis trimestrielle
- PCR quantitative tous les 3 mois
- Caryotype annuel si réponse incomplète
- Surveillance des effets secondaires des ITK
Conseils et recommandations
Pour les patients
- Respect strict des prises médicamenteuses (observance cruciale)
- Signaler tout effet secondaire (œdèmes, douleurs musculaires, rash cutané)
- Éviter le pamplemousse (interfère avec le métabolisme des ITK)
- Maintenir une activité physique adaptée
- Suivi psychologique si nécessaire
Pour l'entourage
- Soutenir le patient dans son observance thérapeutique
- Être attentif aux signes de dépression
- Encourager une alimentation équilibrée
- Participer aux consultations si le patient le souhaite
Les femmes en âge de procréer doivent utiliser une contraception efficace pendant le traitement et jusqu'à plusieurs mois après son arrêt, les ITK étant tératogènes.
Recherche et perspectives
Les axes de recherche actuels incluent :
- Nouveaux ITK pour surmonter les résistances
- Stratégies d'interruption du traitement après réponse profonde prolongée
- Immunothérapies (vaccins anti-leucémiques, inhibiteurs de points de contrôle)
- Thérapies combinées pour éradiquer les cellules souches leucémiques
Sources et références
1. National Cancer Institute. Chronic Myelogenous Leukemia Treatment (PDQ®). 2023.
2. Société Française d'Hématologie. Recommandations pour la pratique clinique : LMC. 2022.
3. European LeukemiaNet. Recommendations for the management of CML. Leukemia. 2020.
4. American Society of Hematology. CML Guidelines. Blood. 2021.
5. Hochhaus A, et al. Long-term outcomes of imatinib treatment for chronic myeloid leukemia. N Engl J Med. 2017.
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